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(
artabsolument
)
no 1 • printemps 2002 page
27
que c’est plutôt ceux qui avaient à dire des
choses nouvelles, nécessaires et fortes sur le
monde de leur époque qui ont su faire naître
des formes vraiment nouvelles pour les dire.
Mais – et c’est ce qui est magnifique – nous
sommes dans un domaine où il n’y a pas de
règles. A Aix-en-Provence, à mille lieues de la
guerre contre la Prusse et de la Commune,
Cézanne fait une révolution avec des pommes.
Une sacrée victoire !
P.P. : De fait, votre démarche est toute autre.
Elle est pétrie d’histoire, tant dans son contenu
que dans ses pratiques.
D’une part, chaque situation
est directement instruite par
un événement historique,
qu’il soit emprunté au passé,
au mythe, à la littérature,
voire à la légende, ou qu’il
soit en écho à une situation
ponctuelle. D’autre part, sur
le plan des techniques
employées, la prégnance du
dessin charge votre œuvre
d’une dimension tradition-
nelle accrue.
E.P.-E. : Pour autant, je ne
traite pas directement de
l’histoire. Dès le début de mon
activité d’artiste, parce que
les yeux plus gros que le
ventre, j’ai tenté de traiter des
thèmes trop grands et je me
suis heurté à cette impossibi-
lité de “représenter l’his-
toire”. Je n’ai finalement pu
inscrire celle-ci dans mon
travail que par la mise en jeu
de bouts de réel saisis tels
quels. Quelque chose qui a à
voir avec le ready-made… En
1971, au métro Charonne, je
n’ai évidemment pas cherché
à représenter les gens qui y
étaient morts. J’ai saisi le
lieu. C’est le lieu lui-même
qui était à la fois mon maté-
riau et ma “proposition”, mes
images venant réactiver ce
lieu, en exacerber les virtualités tant plas-
tiques que symboliques… Mais, en effet, cette
pratique qui se résume à inscrire une fiction
dans le réel, à le stigmatiser, est née de l’im-
possibilité dans laquelle je me suis trouvé – vic-
time du cataclysme Guernica - de traiter de
grands thèmes uniquement par la peinture…
P.P. : …Parce qu’il y a d’autres supports qui le
font mieux ?
E.P.-E. : Mieux, je ne dis pas. Mais, de fait, la
photo, la télévision, le cinéma ont changé notre
relation à l’histoire parce qu’ils nous la livrent
>
Ernest Pignon-Ernest
“Dessin à la pierre noire collé en 2000
rue Adolphe Adam à Paris - lieu du
suicide de Gérard de Nerval.”