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page
46
(
artabsolument
)
no 1 • printemps 2002
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À ce propos, on peut rappeler ici que Matisse s’intéressait à
l’art décoratif islamiqueparcequ’il y voyait unepossibilitéde
surmonter l’opposition habituelle entre “art mineur” et “art
majeur” auprofit d’unedimensionabstraite, voirespirituelle.
Après avoir assisté à un assez grand nombre de
mariages marocains en France – dont furent issues deux
premières photographies – je décidai de poursuivre le tra-
vail au Maroc et de travailler en collaboration avec les maî-
tresses de ces cérémonies nuptiales – les négafas – qui
possèdent robes, accessoires et science de la fête. Il me fut
possible de photographier quelques tenues – rares, parce
que démodées. Je n’ai rapporté de ce séjour marocain que
deux images. Au cours de ce voyage, je me suis vite rendu
compte que la communautémarocaine était beaucoup plus
attachée à ses valeurs traditionnelles en France qu’au
Maroc. De retour enFrance, j’ai terminé cette série en réali-
sant deux dernières photographies.
La série comprend donc six photographies, réalisées
en noir et blanc et en grand format ; la frontalité de la
photographie, sa monumentalité, sa puissance, consti-
tuent comme un substitut du corps réel, une sorte de
“corps lumineux”métamorphosé par le processusmême
de la photographie. Dans cette série – comme dans les
séries précédentes – la métamorphose des formes est
donc centrale, comme elle l’est aussi – d’un point de vue
plus symbolique – dans le rituel du mariage qui symbo-
lise, par exemple, le passage de la jeune fille à la femme
ou de la fille à l’épouse.
L’idée de faire des “photographies de mariage” est née
demon goût pour les cérémonies. Après avoir photographié
uniquement des objets dans une sorte de cérémonial orga-
niséparmoi, jeme suisprêtéeau jeuconsistant àm’adapter
à une situation ritualisée sans que j’en maîtrise moi-même
le déroulement. Le fait d’assister à cette cérémonie comme
“photographe” – ce qui est inévitable en ce genre de circons-
tance – ne représentait donc pas pour moi une forme parti-
culière de compromis ou de subversion de mon statut d’ar-
tiste, il faisait partie du travail lui-même.
Je me suis d’abord intéressée à tous les mariages, dans
tous les milieux, jusqu’au jour où j’ai pu photographier en
France unmariagemarocain qui m’a séduit par la profusion
et la richesse de ses éléments cérémoniels.
Les robes des mariées marocaines proviennent de la
culture arabo-andalouse, qui s’est constituée duVIIIe auXVe
siècle en Espagne du sud puis, après la conquête par les
chrétiens de l’Andalousie, dans les villes du nord du Maroc,
en particulier Tétouan ou Fès. Les robes de l’infante de
Vélasquez en sont le témoignage. Il existe d’ailleurs cer-
taines analogies formelles entre la stature des mariées
marocaines dansmes photographies et le traitement pictu-
ral des personnages féminins chez Vélasquez.
Durant la deuxième nuit de fête – le mariage dure au
minimumtrois jours – lamariée porte de sept à onze tenues
différentes. Certaines de ces robes ont retenu mon atten-
tion, parce qu’elles semblaient réaliser la synthèse inatten-
due du corps avec l’ornemental, voire avec l’abstrait.
Photographie
Valérie Belin
Mariées marocaines
(art absolument)
présentera à chacune de ses parutions l’œuvre d’un “photographe plasticien”,
nouvelle expression artistique qui émerge depuis les années 80 et qui nous paraît particulièrement
intéressante. Pour l’inaugurer, nous proposons une note d’atelier ainsi que l’intégralité de la série
“Mariées Marocaines” de la jeune artiste Valérie Belin.
Centre d’art contemporain, Vassivière-en-Limousin.
Musée de Picardie, Amiens.
2000
Institut français, Dresde, Allemagne.
Galerie Vox, Montréal, Canada.
2001
Galerie Xippas, Paris.
Valérie Belin en quelques dates
Née en
1964
à Boulogne-Billancourt.
1996
Galerie Alain Gutharc, Paris.
“Des séances”, Crédac, Ivry, France.
1998
Galerie Xippas, Paris.
1999
Musée des Arts décoratifs, Paris.
Six pages suivantes : Valérie Belin
Mariée marocaine,
2000, Photographie, 130x160 cm.
1...,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15 17,18,19,20,21,22