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(
artabsolument
)
no 1 • printemps 2002 page
63
puits de lumière, j’ai recou-
vert les 7 lanterneaux de
la grande salle d’un
adhésif rouge, d’une couleur
de braise pour retrouver
l’image des feux de camps
des Ancêtres. Je n’ai pas
voulu retenir trop d’informa-
tions sur la culture des
Aborigènes, afin de trouver,
pour ainsi dire spontané-
ment, une équivalence d’es-
prit en symbiose avec elle.
Quand les Aborigènes regar-
dent les étoiles, ces mil-
liards de petites lumières
qui se déploient très bas sur
un territoire plat comme la
mer, dans cet hémisphère
austral où l’on a des cieux
d’une pureté exceptionnelle,
cela évoque pour eux
les feux de camps des
Ancêtres. Venant voir l’ins-
tallation, des ethnologues et
des Aborigènes m’ont dit
qu’elle correspond à ce que,
volontairement, je n’avais
pas appris, pour garder une
espèce d’innocence dans sa
conception. En dehors de
mon savoir-faire pour la
mise en espace des
churinga
et de la partie pour ainsi dire
picturale, déployée dans les
verrières des coupoles, je
me suis démis de toute ma
pratique, comme le dit si
bien Yves le Fur (2) Dans les
16 fenêtres de chaque lan-
terneau, j’ai réalisé un jeu
formel et pictural très tra-
vaillé. Je n’ai pas enlevé la
peinture blanche qui les
recouvrait à l’intérieur et, la
tempête de 1999 les ayant
endommagées, je me suis
servi de leurs fêlures : je
suis intervenu à l’extérieur,
sur le toit, en les recouvrant
de cet adhésif rouge (en fait
du Vénilia “faux bois”) qui
laisse passer plus ou moins une lumière dif-
fuse selon les fêlures, configurant ainsi des
constellations imaginaires.
L’ensemble de cette installation est donc un
hommage à une autre culture, une façon de
raviver ces objets sacrés. Ils étaient enfermés
depuis 1930 dans des tiroirs et n’avaient jamais
été exposés. Je les ai choisis non seulement à
cause de leurs concordances formelles avec
les
Lames
, mais je me suis aussi demandé
comment on pouvait mettre en rapport
ces “choses-là”, porteuses de spiritualité.
L’éclairage est très important, car il crée deux
ombres qui émergent de chacun des
churinga
comme des ailes, comme si l’on voyait passer
un oiseau ou une libellule... C’est palpitant de
vie, accompagné par le son des rhombes,
souffle des voix des Ancêtres.
A.D. : Ces “Secrets” me font penser à une autre
série de vosœuvres, les
Nadirs
(1990), composés
de fragments de plaques d’hosties, comme celui
qui fut érigé dans le parc de sculptures du Centre
d’art contemporain de Vassivière en Limousin.
M.C. : Dans l’hostie elle-même, il y a évidem-
ment une sorte de secret, de mystère, puis-
qu’elle est destinée à la transsubstantiation.
Dans les grandes plaques d’hosties, telles
qu’elles sont fabriquées avant d’être débitées
en petites hosties, j’ai découvert d’autre part
des mandalas ! On a un rectangle de 60 x 50 cm,
pour ainsi dire un format raisin (il existe aussi
le format Jésus, mais c’est plus grand !), avec
un centre et une circonférence, analogues à un
mandala. On retrouve ceci notamment dans
Hostia
(1989), une œuvre que j’ai réalisée pour
l’exposition “Magiciens de la terre” dans la
Grande Halle de la Villette, organisée par Jean-
Hubert Martin, constituée d’une soixantaine de
plaques sur chacune de ses faces.
A.D. : Alors que d’autres artistes se réfèrent
directement dans leurs productions à d’autres
cultures, il semble que vous-même entreteniez
un dialogue plus intime avec elles, discrète-
ment repérable dans vos œuvres. Par exemple,
à l’occasion de votre séjour au Japon, où vous
avez tendu des grands dessins à l’extérieur du
temple Toji à Kyoto en 1995, apparaît une subtile
correspondance avec l’Orient de la méditation.
M.C. : Je pense que c’est un peu compliqué et
surfait de se calquer tout de go sur une culture
étrangère... À Kyoto, j’ai eu une relation très
intéressante avec les moines bouddhistes
Marc Couturier
Les Churinga
Installation au Musée des Arts
d’Afrique et d’Océanie dans le
cadre de l’exposition
Secrets,
2001
.
Photos Yves Lefur
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