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page
62
(
artabsolument
)
no 3 • hiver 2003
Joël Jégouzo : Pour évoquer le statut de
l’image, je préfèrerais prendre un détour,
raconter tout d’abord une histoire. Un simple
pli de la terre avait retenu mon attention, au
camp de Majdanek. Un long sillon en friche.
J’ai armé mon appareil et je l’ai pris en photo.
En détournant la tête, je pouvais voir une
bande de lumière qui s’étendait jusqu’aux
baraquements tout proches. Je leur tournais
le dos en fait, après m’être éloigné du groupe
que nous formions. Je préférais rester seul
dans l’atmosphère impalpable qui régnait
alors au-dessus du camp, avec la ville au loin,
son onde solide. Un bruit de pas m’a fait me
détourner. Notre guide s’avançait vers moi.
Il s’est mis à me parler de ces tranchées dans
le sol : “Les SS, la veille de la libération du
camp, ont fait creuser ces tranchées aux
déportés et puis ils les ont abattus. Les corps
se sont empilés là-dedans.” J’ai considéré en
silence la bande de lumière qui allait jus-
qu’aux baraquements. Qu’est-ce que les
images nous veulent, réellement ? Dans cette
puissance inachevée de leur être, vers quoi
nous font-elles donc signe ? De Peirce à
Barthes, on s’est accordé à dire que l’image ne
pouvait rien affirmer, sinon légendée, et cela
parce qu’elle ne savait pas se contredire.
Certains penseurs ont même tenté de la sau-
ver en cherchant des oppositions à sa surface :
haut contre bas, droite contre gauche, pour en
arriver à construire des “énoncés visuels”
décalqués des énoncés verbaux. Des énoncés
présupposant que quiconque regarde une
image, sait de quoi il retourne. Est-ce si sûr ?
Comment s’y retrouver parmi les nombreux
signes qui apparaissent à l’image?
Comme elle ne savait pas se contredire,
l’image s’est mise à basculer dans un trop-
plein. Nos photos d’identité en témoignent.
Rencontre
Carole Benzaken
Image against identity
La tradition de l’analyse de l’image paraît établie, en France du moins avec Julien Greimas. D’après lui, chaque
image semble posséder deux couches de signification :
l'iconique
, qui est ce par quoi l'image donne l'illusion de
reproduire une scène du monde, et
la plastique
, dont l'expression est constituée par la surface plane de l'image,
et qui renvoie à des significations d’ordre esthétique. Deux ordres de lecture dont la peinture figurative ferait
peut-être aujourd’hui les frais. L’artiste Carole Benzaken et Joël Jégouzo, qui est enseignant et s’intéresse aux
théories de l’image, ont tenté d’esquisser ici les contours de ces enjeux, tant épistémologiques que sociétaux.
Vue de l'installation
de
Rouleau
à peintures
2002
Exposition
“Cher Peintre,
peins-moi”
au Centre Georges-
Pompidou
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