Sculptures comestibles
Dorothée Selz occupe une position singulière dans la peinture, déjà parce qu'elle
n'en utilise pas les outils traditionnels, pinceaux et tubes, mais qu'elle se sert d'em-
bouts de pâtissier pour tracer ses épaisseurs de couleurs. La matière qu'elle
emploie est faite de ciment coloré. C'est une traceuse de lignes et les lignes qu'elle
trace, toutes fines qu'elles puissent être, ont leur épaisseur concrète. Elles sont en
relief, solides, tactiles. Sa peinture occupe également une position singulière et poé-
tique car elle entretient, depuis le début, avec ce qu'il est convenu d'appeler
l'art
populaire
des rapports de grande connivence, étroits et intimes.
Historiquement, Selz fait partie de l'
Eat-Art
. Daniel Spœrri l’a invitée dans son
restaurant à Düsseldorf pour concevoir un repas et elle a aussi réalisé des multiples
pour sa Eat-Art Gallery. Elle a conçu avec beaucoup de précision et de rigueur de
vastes architectures comestibles, construites en polystyrène, recouvertes de pâte de
sucre colorée et piquées de denrées salées, sucrées offertes au public et aux invités.
Elle est connue et reconnue comme l'artiste qui préside à la création de buffets
géants pour les lieux d'exposition, tant en France qu'à l'étranger. Saveurs et cou-
leurs se goûtent et se mangent. Le côté inventif et festif de ces manifestations
débouche sur une convivialité joyeuse et offre un moment de bonheur et de partage,
ce qui constitue, il faut bien l'avouer, un événement plutôt rare dans l'ambiance
convenue des inaugurations officielles.
Dorothée Selz a aussi conçu et organisé l'importante exposition intitulée
Sucre
d'art
qui s'est tenue au musée des Arts décoratifs en 1978 et qui a réuni une quantité
et une variété impressionnantes d'objets en provenance de tous les continents,
friandises, confiseries, chefs-d’œuvre de pâtissiers, réalisations d'artistes contem-
porains, d'artisans d'Amérique du Sud ou d'Indonésie.
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(
artabsolument
)
no 3 • hiver 2003 page
75
Art populaire
À la lumière de la série actuelle des
tableaux intitulés
Objets d'art populaire
,
on comprend que la peinture de Dorothée
Selz n'a eu de cesse d'approfondir les
mêmes thèmes. Les
Sculptures comes-
tibles
établissaient déjà un rapport évi-
dent avec les offrandes de Bali ou les
étalages de confiseries de la Fête des
Morts au Mexique que l’on trouve sur les
marchés au moment de la Toussaint.
Depuis toujours, Dorothée Selz vit au
milieu de l'art populaire (ex-voto, reli-
quaire, art brut). Par exemple, son père,
Guy Selz, avec Louis Pons et Lulu de
Forcalquier, s'était intéressé au sonneur
de cloches de Banon, un
singulier
de l'art
qui dans sa grange de Haute-Provence
avait fabriqué une foule de personnages
qui faisaient des sons lorsqu'il tirait sur
des ficelles. L'ensemble avait été détruit
par la famille qui s'était empressée de
récupérer la grange, après sa mort.
Sculptures
comestibles
2002
Impressions
numériques
sur toile
avec ajouts
en reliefs
de ciment
coloré
200 x 200 cm
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