|
esthétique
|
rencontre
|
texte
|
poésie
|
photographie
|
forum
|
à propos de
|
note d’atelier
| domaine public |
bibliothèque
|
(
artabsolument
)
no 3 • hiver 2003 page
85
Gauguin
Cinq panneaux de
La Maison du Jouir
Fin 1901, bois polychrome, musée d’Orsay
… soyez amoureuses et vous serez heureuses
Gauguin fut un monstre. C’est-à-dire qu’on ne peut le faire entrer dans aucune des catégories morales, intel-
lectuelles ou sociales, qui suffisent à définir la plupart des individualités. Pour la foule, juger c’est étiqueter. On
peut être honorable-négociant, magistrat-intègre, peintre-de-talent, pauvre-et-honnête, jeune-fille-bien-éle-
vée ; on peut être “artiste”, voire “grand artiste”. Mais c’est déjà moins permis, et il est impardonnable d’être
autre chose que tout celaž; car il manquerait, pour être classé, le cliché requis. Gauguin fut donc un monstre, et
il le fut complètement, impérieusement.
Certains êtres ne sont exceptionnels que
dans un sens, vers un axe autour duquel tour-
billonnent, semble-t-il, l’ensemble de leurs
forces vivesž; et, pour le reste, la vie courante
(économie domestique, visites de politesse,
sentiment du devoir), ils peuvent être bour-
geois, normaux.
C’est affaire de tempérament, de tenue
physique : tel écrivain splendide et forcené
peut avoir l’habit de chair d’un maigre sacris-
tain : le génie n’exclut point un extérieur
honorable, décent, une vie de négoce ou de
ponctualité. Et Gauguin, encore, ne fut point
tout cela : mais il apparut dans ses dernières
années comme un être ambigu et douloureux,
plein de cœur et ingratž; serviable aux faibles,
même à leur encontrež; superbe, pourtant
susceptible comme un enfant aux jugements
des hommes et à leurs pénalités, primitif et
frustež; il fut divers, et, dans tout, excessif.
>
1...,15,16,17,18,19,20,21,22,23,24 26