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artabsolument
)
no 3 • hiver 2003 page
63
Mais là encore : qu’affirme l’image, qui me
rendrait sa présence si fascinante ? Les
sémioticiens que j’évoquais tout à l’heure, et
qui ont tenté de saisir l’image dans son fonc-
tionnement et son statut, en sont souvent
revenus déçus : l’image leur apparaissait
comme l’ennemi de l’intertextualité qui fonde
la richesse de l’analyse sémiotique.
Carole Benzaken : L’image était donc trop
pauvre à leurs yeux ?
Joël Jégouzo : Pauvre image, ou, car “trop
évidente”. On le voit bien dans l’usage quoti-
dien de la photographie, qui témoigne tou-
jours de l’existence d’une “réalité”. Dans cet
usage, disons trivial, l’image est plus proche
des rites anciens, où le totem est Dieu et où le
signe est le référent. Finalement, qu’elle soit
“trop ou pas assez ”, l’image est condamnée
parce que la différence sacrée entre le même
et l’autre n’y apparaît pas comme suffisam-
ment lisible. Nous sommes ainsi toujours
confronté au problème d’une image qui n’est
pas vue, mais lue comme dans un rapport à
l’écriture textuelle, et ce serait donc du côté
de la légende qu’il faudrait regarder : l’
ek-
phrasis
, ou l’art de donner voix à un objet d’art
supposé muet.
Carole Benzaken : Ce que vous avez du reste
commencé par faire dès le début de notre
entretien en décrivant cette image que vous
n’avez pas montrée.
Joël Jégouzo : Oui. C’est du reste aussi ce que
nous pratiquons tous à nos retours de
vacances : nos photographies de souvenir ne
fonctionnent que dans le commentaire.
Carole Benzaken : Mais jusqu’où peut-on
aller dans la description d’une image ? Peut-
on entièrement la décrire ?
Joël Jégouzo : Non, mais on peut compenser
cette impossibilité par l’imagination de la
langue. Cedispositif de la représentation verbale
du visuel est particulièrement intéressant. Bien
sûr, et depuis Lessing, nous sommes tous éga-
lement convaincus de son ineptie. Nous
sommes tous d’accord pour poser une frontière
nette entre le sens, la sensation et les modes de
leur représentation. Mais toute l’histoire de l’art,
comme discipline, n’est pourtant pas autre
chose que la représentation verbale de la repré-
sentation visuelle. C’est même un genre très
distingué. Or, voilà : personne ne s’étonne de
découvrir que, quand les images parlent,
Rouleau à peintures
extraits, débuté en 1989, 5 x 4700 cm, acryl./ papier
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