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page
52
(
artabsolument
)
no 16 • printemps 2006
Le travail actuel d’Yves Bodiou est issu d’une
interrogation sur la confrontation des idées avec
la main et la matière. Qu’elle devienne une pra-
tique qui, comme “la frappe du pied dans le sable
fait remonter à la surface, l’eau infiltrée dans les
profondeurs”. Inventer dans cette matière elle-
même la matrice qui donne corps aux idées per-
met de superposer nos créations à la réalité.
Pour cela il faut rabattre le geste fondateur de la
sculpture par un retour régressif à la pesanteur,
l’amorphe ; différer ses origines mythiques et
dans l’oubli d’une histoire trop édificatrice, retrou-
ver l’innocence première, l’emprise de la main,
puis son effacement devant l’objet qui la remplit,
qu’elle contient. Revenir à cette “évidence” dans
laquelle le sculpteur entend la collusion et l’em-
boîtement d’évider et densité : notions essen-
tielles à son travail. Ce travail d’ancrage,
d’origine, ce fut “la motte de terre” : matière-tas,
point d’appui cherché dans l’inertie de l’argile –
infiniment malléable et informe – et matrice sym-
bolique de la sculpture. Curieusement, le Tas-
Matière, signe quasi-organique de cette inertie,
retrouve par contraste avec le parallélépipède qui
lui est accolé une sourde potentialité dynamique.
Colline, paysage, il devient l’icône, le module du
produit fabriqué, de l’industrie et de l’architecture
humaine à l’énigme d’une géométrie close : boîte,
demeure, cercueil… Dans cette recherche, la sili-
cone est choisie pour son inexpressivité. A priori
matière du moule, matière anodine de la duplica-
tion, exempte de toute qualité propre et de toute
poétique, elle devient le creuset, la matrice des
thématiques qui s’engendrent en lui, au plus près
de la conception des idées et de leurs condensa-
tions et successions. Leur servant à la fois de
corps, d’habitacle (
Demeures inhabitables
) et de
peau (
Silicon skin
), comme s’il était nécessaire de
s’opposer à la dureté de la sculpture, de trouver
dans l’insignifiance de la silicone un processus
souple de distanciation. Car en effet, autant que de vide et de plein,
de détournement ou de retrouvailles avec l’objet, d’ouvrage indus-
trieux (dont la couleur orange-chantier offre la mesure de sa réfé-
rence à toute autre vibration de couleur et de texture), ce sont les
liens ténus, incertains entre corps et objets qui s’éprouvent ici. Entre
idées et images, parfois obsédantes, dit le sculpteur. Entre penser et
faire. Un dispositif offre sa plasticité sans mémoire, sa forge fluide et
son moule à l’élaboration d’un univers ambivalent – pensé.
Geneviève Adda
Découverte
Yves Bodiou, de l’informe à la matrice
Corps objet du délit.
2004, silicone. 2 éléments : 182 x 18 x 16 cm et 180 x 12 x 34 cm.
Yves Bodiou en quelques dates
Né en 1954 à Quimper. Vit et travaille à Paris et Fécamp.
2005
Paysages et corps morcelés
, Galerie Serpentine, Paris.
Grand format objets agrandis
, Entreprise Raja, Paris.
2004
Corps objet du délit
, Galerie Patrick Verret, Arras.
2003
Animal et territoire
, Artsénat, Paris.
Présentation de Silicon skin
, Galerie Patrick Verret, Paris.
2001
Séries Trajet et Objet de démolition
, Villa Vincelli, Fécamp.
I
Dans cette nouvelle rubrique, la revue
(art absolument)
met l'accent sur des artistes dont
l'œuvre lui paraît importante mais insuffisamment reconnue.
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