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LA VILLE
DANS LE VISEUR
SAMUEL GRATACAP,
EN TRANSIT
« Je voulais travailler en milieu fermé, là
où il n’y a pas de visibilité, où l’image n’est
pas accessible », nous expliquait Samuel
Gratacap à propos de son premier travail
photographique entamé en 2007, dans
le centre de rétention administrative
du Canet à Marseille. Depuis lors, cette
urgence à voir s’est confrontée aux aléas
des migrations sur le pourtour méditer-
ranéen. Un monde qui cherche à rentrer
dans le monde, où le photographe a sur-
tout rencontré – et partagé – l’attente,
comme le montrait avec pudeur la vidéo
Transit
du Gazaoui Taysir Batniji, saisis-
sant à la volée son propre parcours par la
frontière égyptienne. Dans des maisons de
passeurs à Zarzis en Tunisie, plus au sud au
camp de réfugiés de Choucha, au contact
de travailleurs de passage en Lybie, c’est
ce long moment entre le départ et l’arri-
vée espérée que détaillent ses images.
Avec, en plus des vues des migrants eux-
mêmes, une attention particulière aux
objets qu’ils abandonnent bon gré mal
gré, photographies naufragées lors d’une
tentative de passage, à l’image d’un cliché
d’une carte repliée sur elle-même, brouil-
lant toute trajectoire linéaire, repêchée à
Lampedusa en 2010.
TL
Samuel Gratacap. Plus près
. Galerie
Les Filles du Calvaire, Paris. Du 27
janvier au 24 février 2018
Quatre jeunes gens aperçus de dos,
déambulant comme pour battre le pavé,
sur un cliché d’Édouard Boubat en 1958,
un homme dans un café, au téléphone,
et le reflet du bus que l’on aperçoit
dans la vitre du
Phone Call
de Saul
Leiter en 1957 : ces images surviennent
d’un coin de rue et semblent familières.
Pourtant, révélées par l’objectif, elles se
muent en situations, reconsidérant des
expériences quotidiennes, sujettes à
récits et à l’observation de l’inscription
des hommes dans leur environnement
urbain. En sélectionnant 145 images dans
la vaste collection de ces passionnés
de photographie que sont Florence et
Damien Bachelot – ils possèdent notam-
ment le plus grand corpus de clichés de
Gilles Caron, où la rue devient un objet
politique pour manifestants et forces
de l’ordre –, les commissaires Françoise
Docquiert et Ricardo Vazquez ont sou-
haité montrer combien les perceptions
de la ville moderne peuvent être singu-
lières. Car si pour Brassaï ou Doisneau,
la ville est un émerveillement quotidien
dont il s’agit de restituer la poésie – y
compris lorsque le premier saisit une
bande de mauvais garçons –, d’autres
comme Véronique Ellena et sa série
Invisibles
de 2011 représentant des sans-
abris choisissent d’en pointer les inégali-
tés. À l’image de la collection Bachelot,
l’exposition fait la part belle à la
street
photography
américaine, avec Lewis W.
Hine, Bruce Davidson ou encore Robert
Frank, comme à l’humanisme prodigué
par les photographes français, offrant
un parcours éclectique recouvrant une
large période – des années 1930 à nos
jours, avec Luc Delahaye, Adrien Boyer
ou Philippe Chancel.
EN
Des villes et des hommes.
Regard sur la collection
Florence et Damien Bachelot
.
Hôtel départemental
des Arts du Var, Toulon.
Du 10 février au 22 avril 2018
Édouard Boubat.
Jeunesse.
1958, épreuve gélatino-argentique, 20,2 x 29,8 cm.
Collection Florence et Damien Bachelot
Camp de réfugiés de Choucha (Tunisie),
série
Empire
.
2012-2014. Courtesy galerie Les Filles du Calvaire, Paris.
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