Art Asolument 81- Février 2018 - Aperçu - page 24

114
Depuis dix années à la tête du musée des Beaux-Arts de
Montréal, la Française Nathalie Bondil a eu tout le loisir
d’en apprécier la souplesse et l’esprit citoyen. Elle en a
aussi largement démultiplié le potentiel en menant une
petite révolution architecturale – ouvrant tour à tour deux
expansions pour ses collections permanentes. Et elle y a
surtout décloisonné les genres en invitant lamode (
Yves Saint
Laurent
et
Jean-Paul Gaultier
) et la musique (
Warhol Live,
Imagine, We Want Miles
) au musée, sans oublier d’exporter
les expositions plébiscitées de la maison dans d’autres
institutions. De la même génération qu’Emma Lavigne
(actuellement directrice du Centre Pompidou-Metz) ou
ChristineMacel (commissaire invitée de la dernière Biennale
de Venise), Nathalie Bondil avance sans œillères avec l’idée
que «parler de l’art, c’est parler du monde».
ENTRETIEN AVEC TEDDY TIBI
TEDDYTIBI:
Pourrevenirsurvotre parcours,
vous avez passé le concours de conser-
vatrice du patrimoine à Paris et c’est en
1999 que vous avez été embauchée par
Guy Cogeval (à sa tête de 1998 à 2006)
au musée des Beaux-Arts de Montréal
(MBAM) pour devenir conservatrice en
chef puis directrice. Nous fêtons vos dix
ans à la tête de l’institution : comment
était le MBAM à votre arrivée?
NATHALIE BONDIL :
Durant cette décennie,
le MBAM a connu une croissance ful-
gurante avec deux expansions coup sur
coup, un nombre de visiteurs qui a plus
que doublé avec 1 300 000 cette année.
De quelque 20 000, ses amis sont plus
de 120 000 aujourd’hui. Mais la première
fois que j’ai découvert le musée, c’était
bien avant… en 1993. Je travaillais chez
Sotheby’s à New York, c’était lors d’une
visite sans imaginer qu’un jour j’y tra-
vaillerais. J’avais déjà été frappée par la
convivialité de cette ville. Vivant à New
York, le contraste avec Montréal m’avait
marquée, sans compter l’attrait de la fran-
cophonie. Depuis mon arrivée, le mode
de fonctionnement singulier du MBAM
dans cette métropole que j’aime tant – la
société civile soutient ce projet collectif –
est la raison majeure pour laquelle je m’y
suis installée. Ce mode de gouvernance
me convainc toujours, d’autant qu’en
tant que conservatrice du patrimoine
d’État, haut fonctionnaire en France,
j’étais « taguée » à vie en quelque sorte.
Ce mode de fonctionnement nourrit ma
vision du rôle citoyen de l’institution.
Il faut rappeler néanmoins que c’est un
musée qui dépend aux deux tiers du
privé… Qu’en est-il exactement ?
Oui, précisons qu’il s’agit d’un statut
hybride – privé à but non lucratif – sub-
ventionné par le gouvernement provincial.
La raison d’être dumusée tient à la société
civile avec laquelle il s’harmonise. En
France, nous avons l’habitude de travail-
ler dans des systèmes de gouvernance
verticaux, hiérarchisés, étatisés alors qu’à
Montréal, la pyramide du pouvoir s’aplanit
du fait de l’implication active de la société
civile. Le MBAM est une «société privée
non profit
», un statut qui prête souvent à
confusion pour les Français. Il signifie que
Nathalie
Bondil,
les 1001 chantiers
deMontréal !
/
DÉBATTRE
/
1...,14,15,16,17,18,19,20,21,22,23 25,26
Powered by FlippingBook