page
40
numéro 26
septembre 2008
L’aventure esthétique de Tal-Coat
>
Exposition
Par Jean-Pascal Léger et Marie-Françoise Le Saux
Apparition et disparition, l’inépuisable alternance
Créée au long de plus de 60 années, l’œuvre de Pierre
Tal-Coat atteste de profonds changements qui ont pu
déconcerter les visiteurs de ses expositions rétro-
spectives. Pourtant, Tal-Coat a insisté lui-même sur la
singularité de son propos. Il a rappelé la permanence de
ses préoccupations, inlassablement poursuivies alors
même que les formes et les moyens de sa peinture ont
beaucoup évolué. En regard, par exemple, des vrais
interlocuteurs qu’étaient pour lui Alberto Giacometti
ou Nicolas de Staël, le questionnement de Tal-Coat a
formulé une incroyable alliance. Au sein de l’aventure
esthétique du XX
e
siècle, une intuition de l’espace qui
le rendait plus proche des peintres de Lascaux ou des
sculpteurs graveurs de Gavrinis lui a donné une âpreté
d’invention. Une étrangeté.
Cette étrange alchimie fait les œuvres majeures. Elle
fait aussi leur énigme et leur solitude.
Pour cette première exposition au domaine de
Kerguéhennec et au musée de Vannes, il fallait unir le
début et la fin de cet audacieux parcours, ses origines
bretonnes et la modernité éclairante de sa dernière
période, mais nous n’avons pas cherché un échantillon-
nage des manières de l’artiste. Nous avons défini des
temps forts et conçu les salles de cet itinéraire comme
des expositions successives dont les liens, au-delà des
dates qui importaient peu à Tal-Coat, se découvrent
plus aisément aujourd’hui. Il ne s’agit pas de nier les
ruptures de l’œuvre, d’en estomper les saccades ou les
fulgurances, il s’agit d’entrevoir le courage d’un peintre
et sa liberté farouche. Ce n’est pas rien pour un créa-
teur d’avoir placé la
Faille
au centre de sa recherche !
La
Faille
, l’
Ouvert
, le
Vertige.
Château de Kerguéhennec :
environ 110 œuvres exposées
Salle I
(nord-ouest) : 1925-1930, 30 œuvres sur papier
de petit format
Paysages
(Les Hauts de Doëlan
), personnages
(Nu assis
de dos
,
Le Dormeur
,
Homme buvant, La Lecture
…), super-
bes
Autoportraits
. Ces œuvres du “début” de Tal-Coat
sont marquées par la Bretagne de Gauguin mais aussi
par exemple par les ombres de Seurat ; elles dialoguent
souvent avec les œuvres dites abstraites des dernières
années : le sens de l’espace, la gravité, la massivité des
corps fichés en terre et le rôle dévolu au blanc, blanc
du papier et ajour du trait de Tal-Coat.
Autoportrait.
1926-1927, crayon et encre, 24,5 x 20 cm.
Courtesy galerie Berthet-Aittouarès, Paris.
1,2,3,4,5,6,7 9,10,11,12,13,14,15,16,17,18,...20