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          septembre 2008
        
        
          numéro 26
        
        
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          Éditorial
        
        
          Du
        
        
          local absolu
        
        
          La grande nouvelle c’est que, après avoir été cantonné
        
        
          à quelques pays occidentaux, l’art contemporain au
        
        
          XXI
        
        
          e
        
        
          siècle se mondialise : internet, démocratisation
        
        
          des voyages, renforcement des relations diplomatiques
        
        
          et commerciales entre les nations, esquisses d’accords
        
        
          internationaux concernant l’environnement, les droits de
        
        
          l’homme ou la justice, diasporas actives dans les villes-
        
        
          mondes, tout concourt à un dépassement des “blocs”
        
        
          du siècle dernier au bénéfice d’une ouverture sur l’autre
        
        
          aux antipodes des identités figées sur elles-mêmes dont
        
        
          on sait aujourd’hui – dans leur nostalgie d’un âge d’or
        
        
          fantasmatique ou leur volonté belliciste d’unmonde uni-
        
        
          latéral – combien elles peuvent être funestes.
        
        
          Pour nous, à (art absolument), qui sommes favorables
        
        
          à la diversité et qui savons que l’art – l’œuvre d’art – en
        
        
          est toujours la quintessence (c’est le propre du chef-
        
        
          d’œuvre d’hier et d’aujourd’hui de ne pas se réduire
        
        
          à telle ou telle interprétation mais d’être multiple,
        
        
          ouverte, en devenir), nous ne pouvons être insensibles
        
        
          à cette nouvelle donne.
        
        
          Après la Chine, l’Inde ou la Russie les œuvres des
        
        
          artistes vivants ou originaires du Moyen-Orient, du
        
        
          Proche-Orient et du Maghreb nous sont enfin “révé-
        
        
          lées” – révélées dans le sens que, bien qu’existantes,
        
        
          elles nous étaient jusqu’à aujourd’hui pratiquement
        
        
          dérobées au regard (d‘où l’importance d’une exposition
        
        
          comme
        
        
          
            Traversées
          
        
        
          dont certains d’entre vous ont pu
        
        
          voir la préfiguration à la foire d’
        
        
          
            ArtParis
          
        
        
          en avril dernier,
        
        
          ou participer au débat que nous y avons organisé).
        
        
          C’est évidemment un élargissement des possibles, un
        
        
          élargissement non seulement de notre vision, de notre
        
        
          sensibilité et de notre intelligence mais une manière
        
        
          de répondre au “choc des civilisations” que d’aucuns
        
        
          prétendent irrémédiable. Pour notre part, il y a fort
        
        
          longtemps que nous avons compris que si “choc” des
        
        
          civilisations il y avait, il était avant tout esthétique, le
        
        
          mot “choc” n’étant pas à prendre dans le sens d’un
        
        
          antagonisme ou d’une fracture irréversibles, mais
        
        
          l’inverse, comme “stimulant” pour créer – par-delà
        
        
          les frontières ou l’histoire par définition spécifique de
        
        
          telle nation ou telle civilisation – de nouveaux agence-
        
        
          ments, de nouvelles connexions qui invalident les cli-
        
        
          chés et les lieux communs, d’autant que nombre des
        
        
          artistes originaires de ces différentes régions vivent
        
        
          ou résident régulièrement dans les villes-mondes
        
        
          (New York, Londres, Berlin, Paris…) où se crée l’art
        
        
          d’aujourd’hui et de demain.
        
        
          Car, c‘est sans doute le rôle fondamental de l’art, sa
        
        
          ligne de vie et de survie, l’engagement qui incombe
        
        
          aux artistes – du moins aux meilleurs d’entre eux – de
        
        
          parvenir, à travers leur propre singularité, sinon à un
        
        
          langage universel, du moins à une vision en partage.
        
        
          À produire desœuvres qui, bien qu’issues d’un contexte,
        
        
          le dépassent au profit de ce que Gilles Deleuze – le si
        
        
          pertinent philosophe pour qui désire comprendre ce
        
        
          que veut dire créer – appelle le
        
        
          
            local absolu
          
        
        
          .
        
        
          Pascal Amel