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numéro 26
septembre 2008
détermine le caractère de sa peinture. Celle-ci contient
sa propre latitude, un climat, un horizon, des lumières,
qui la situent en effet quelque part sur les rivages de
la Baltique. Nolde, cependant, n’est pas un ermite.
Il a voyagé, à Paris, dans toute l’Europe, et même en
Nouvelle-Guinée. Il passe tous ses hivers à Berlin. Mais
il revient toujours à sa région natale, sur l’île d’Alsen,
à Utenwarf, sur la côte silésienne, enfin à Seebüll, où
la maison, avec son grand jardin de fleurs, accueillera
après lamort du peintre la fondation qui porte son nom.
Cet enracinement s’accompagne de choix moraux et
esthétiques. C’est d’abord la condamnation du monde
moderne et de la grande ville, Berlin, cette “grande
prostituée”, ainsi que le refus (par principe, sinon
toujours appliqué) d’une sociabilité, “ennemie la plus
dangereuse du peintre”. Et c’est le regret d’une “pri-
mitivité” perdue, d’un état originel des sociétés dont
il ne subsiste plus que des restes, des traces, encore
perceptibles par exemple chez les peuples des mers
du Sud. “Les hommes primitifs vivent dans leur nature,
Emil Hansen (1867-1956) est né dans une famille de
paysans, dans le village de Nolde, situé dans le Nord-
Schleswig, étroite bande de terre entre la mer du
Nord et la Baltique, tout près de la frontière danoise.
Le choix de son nouveau patronyme, en 1902, est
significatif d’un enracinement dans la terre natale,
enracinement intensément vécu, revendiqué, et qui
L’une des voies d’évolution majeures de l’art de ces deux derniers siècles constitue un grand courant de
sensibilité et de pensée qu’on pourrait nommer “tradition romantique du Nord” et qui, de Friedrich, Runge,
Blake et Palmer, se prolonge à travers l’œuvre de grands peintres souvent issus du monde protestant, tels
van Gogh, Hodler, Munch, Mondrian et certains expressionnistes allemands comme Emil Nolde.
Emil Nolde, ou la modernité
expressionniste du Nord
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Exposition
Par Manuel Jover
Emil Nolde (1867-1956).
Galeries nationales du Grand Palais.
Du 25 septembre 2008 au 19 janvier 2009.
Commissaire : Sylvain Amic, conservateur
au musée Fabre, Montpellier
ACTU
Autoportrait.
1917, huile sur contreplaqué.
Stiftung Seebüll Ada und Emil Nolde Neukirchen, Allemagne.
À droite :
Danseuses aux bougies.
1912, huile sur toile, 100,5 x 86,5 cm.
Stiftung Seebüll Ada und Emil Nolde Neukirchen, Allemagne.
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