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          numéro 26
        
        
          septembre 2008
        
        
          Ses paysages campent une émotion rustique, rebelle
        
        
          à la domestication des paysages officiels, réglemen-
        
        
          tés, patrimoniaux ou gentiment impressionnistes. Un
        
        
          frisson ancestral, sans âge, in-homme-able – d’avant
        
        
          l’humanité, le verbe et les principes optiques… Pour
        
        
          autant, ces paysages ne sont pas écrasés par le
        
        
          
            wilder-
          
        
        
          
            ness
          
        
        
          , cettemythologie d’un pur monde sauvage. Ils sont
        
        
          enchevêtrés à l’humain, dans la rétine du photographe,
        
        
          dans les jalons feutrés de la présence des hommes,
        
        
          dans les signes intimes que le cadrage révèle. Ils impri-
        
        
          ment leur marche en nous, reversent dans nos veines le
        
        
          battement intemporel de la Terre, alchimie d’évidence
        
        
          et de mystère sacré. À la manière des
        
        
          
            songlines
          
        
        
          des
        
        
          aborigènes d’Australie, les
        
        
          
            Vagabondages
          
        
        
          rêvent la car-
        
        
          tographie d’un pays qui s’incarne dans le cheminement,
        
        
          qui redevient neuf à chaque pas, à chaque page.
        
        
          Un pas. Puis un autre, puis encore un… Le photo-
        
        
          graphe chemine.
        
        
          
            Step by step
          
        
        
          , pied à pied, à la force
        
        
          conjuguée de ses muscles, 29 dans chacune de ses
        
        
          jambes, il façonne un rythme dans l’idée fixe du pay-
        
        
          sage. Une foulée, puis une autre… Le fil tranchant du
        
        
          souffle écrête l’obstination du trimardeur, excite la
        
        
          permanence acharnée de l’horizon. Les pompes grin-
        
        
          cent… Crampe, dyspnée… Pause. Le paysage s’impose,
        
        
          empoigne des pieds à la tête. Temps de pause. Des
        
        
          heures de marche et 1/50
        
        
          e
        
        
          de seconde pour pétrir tout
        
        
          ensemble terre, ciel, herbe, pierres et flots. Pour pig-
        
        
          nocher un fracas de photons… Clic-clac.
        
        
          Page à page, les “vagabondages” deNicolas Frémiot font
        
        
          le récit d’un tendre et rude bras-le-corps avec la nature,
        
        
          façon trappeur de lumière. Inspiré par la “géopoétique”
        
        
          de l’écrivain KennethWhite, il trace un cheminement de
        
        
          
            western
          
        
        
          préhistorique, de
        
        
          
            roadmovie
          
        
        
          rangé des voitures,
        
        
          d’explorateur sans effets spéciaux.
        
        
          Frémiot taille samappemonde avec des outils d’artisan :
        
        
          ses jambes, son regard et l’infime peau sensible de la
        
        
          pellicule. Un dépouillement qui fait l’itinéraire, quand le
        
        
          photographe avance simplement droit devant lui jusqu’à
        
        
          la mer, jusqu’à l’épuisement inéluctable du chemin.
        
        
          >
        
        
          Photographie
        
        
          Nicolas Frémiot, vagabondages
        
        
          
            Par Claude Rambaud
          
        
        
          À droite :
        
        
          
            Route 138, Havre-Saint-Pierre,
          
        
        
          
            le 19-8-01, Km 2563, 50°15’0’’N-63°34’58,8’’W
          
        
        
          .
        
        
          
            La tabatière,
          
        
        
          
            le 3-8-01, Km 1599, 50°52’58,8N-58°57’0’’W.
          
        
        
          
            Route 510, Red Bay,
          
        
        
          
            le 5-8-01, Km 1859, 51°43’58,8’’N-56°25’1,2’’W
          
        
        
          .