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numéro 26
septembre 2008
L’artiste développe une picturalité complexe où les procédures techniques induisent des retournements, des
inversions, des écarts, des fragmentations d’images. L’ensemble de cette œuvre, avec le travail consacré à la
céramique, tresse les trois axes du paysage, du corps et du textile.
Michaële-Andréa Schatt
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Ne pas le perdre, ne pas le rompre !
Comme ces dentellières que l’on faisait travailler dans
les caves humides pour empêcher que le fil sèche et se
casse. Le fil, c’est principalement le Lien, une certaine
forme de filiation. La pratique de la peinture peut être
assimilée à une pratique mémorielle marginalisée qui
traverse les époques.
Je pensais à ce texte de Frances A. Yates,
L’Art de la
mémoire
, où elle montre comment la pensée et l’ima-
gination se sont structurées sur les images et les lieux
dans le monde occidental. Pour moi, la peinture n’est
pas du tout inactuelle, c’est un outil simple, direct et
révélateur. C’est aussi, dans une sorte de creux, de
silence et de pénombre, l’expression d’une “fatigue
de l’exigence sociale”. Pierre Fedida décrit cet état de
creux comme un lieu où le temps est gelé, dilaté, où la
respiration se fait autre. Un espace où il est possible
de reprendre son souffle, de respirer.
Cette mise à l’écart, ou plutôt cet écart, est ce qui
marginalise la peinture et la rend indésirable. Il s’agit
pour moi de se donner du temps, donner du temps pour
donner à voir.
Karim Ghaddab
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Faire de la peinture, aujourd’hui, relève
d’une forme d’obstination. Cela suppose notamment
lemaintien d’un lien particulier et comme organique au
passé, à la mémoire et à l’héritage. Comparativement à
des formes et des techniques jugées plus en phase avec
l’actualité, la peinture ne se caractérise-t-elle pas, pré-
cisément, par une certaine inactualité constitutive?
Dans ton travail, je remarque une dialectique entre
la ligne et la tache, le trait et la trouée, le ténu et la
masse, et tu parles souvent de la nécessité de tenir ou
tirer “le fil”. De quel fil s’agit-il ?
Michaële-Andréa Schatt,
les dessous de la peinture
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Peinture
Entretien avec Karim Ghaddab
Galerie Isabelle Gounod, Paris.
Du 19 décembre 2008 au 21 février 2009.
ACTU
Ci-contre :
Vermeer.
La dentellière.
1670-1671, 24,5 x 21 cm. Musée du Louvre, Paris.
À droite :
Pensées hybrides.
1999-2000, 240 x 185 cm, technique mixte sur toile.
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