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          numéro 26
        
        
          septembre 2008
        
        
          Cet artiste est l’un des derniers représentants historiques vivants du mouvement des Nouveaux Réalistes,
        
        
          lancé à Paris, en 1960, par le critique d’art Pierre Restany. Villeglé a trouvé, à la fin des années 40, une manière
        
        
          inédite de réaliser des tableaux, sans pinceau ni tube de couleur : sa pratique consiste à arracher, dans la rue,
        
        
          de grandes affiches, elles-mêmes lacérées par des passants anonymes, et à les exposer ensuite comme des
        
        
          morceaux de réalité.
        
        
          régulièrement visite. Nous partagions lamême passion
        
        
          pour le cinéma. À l’époque, il y avait des ciné-clubs un
        
        
          peu partout dans Paris. Nous fréquentions assidûment
        
        
          celui du Musée de l’homme. Quoique admis à l’École
        
        
          nationale et supérieure des beaux-arts, section archi-
        
        
          tecture, j’ai réussi à convaincre mes parents de m’aider
        
        
          à m’installer à Paris. Nous voulions, Raymond et moi,
        
        
          devenir entre autre cinéastes et produire des films. Ça
        
        
          ne les rassurait pas trop !
        
        
          ÉC
        
        
          |
        
        
          Quels ont été vos premiers balbutiements d’artistes?
        
        
          JV
        
        
          |
        
        
          Durant mes années d’études, j’aimais ramasser des
        
        
          objets. Un jour de l’été 1947, sur les rivages bretons, j’ai
        
        
          collecté deuxmorceaux tordus de fil d’acier provenant du
        
        
          Mur de l’Atlantique et je les ai posés sur une table : pour
        
        
          moi, ils formaient un dessin dans l’espace. J’ai eu alors
        
        
          la conviction qu’on pouvait faire de l’art en prenant des
        
        
          choses déjà existantes. Je n’avais encore jamais vu les
        
        
          petites sculptures de Picasso, ni les collages et assem-
        
        
          blages de Schwitters. Heureusement, chez moi, cette
        
        
          idée de récupération a suivi son propre chemin. Raymond
        
        
          Hains, lui, photographiait des objets dans desmiroirs afin
        
        
          de multiplier leur reflet. Il avait inventé la technique du
        
        
          verre cannelé grâce à un appareil qu’il avait mis au
        
        
          Élisabeth Couturier
        
        
          |
        
        
          Le centre Georges-Pompidou vous
        
        
          consacre, à 82 ans, et pour la première fois, une grande
        
        
          rétrospective. Comment le choix des œuvres s’est-il fait
        
        
          dans la production d’une aussi longue carrière?
        
        
          Jacques Villeglé
        
        
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          En fait, l’exposition se déroule sur une
        
        
          période commençant à la fin des années 40 jusqu’à
        
        
          aujourd’hui, soit 60 ans de travail ! La commissaire
        
        
          Sophie Duplaix a réussi à faire une sélection significa-
        
        
          tive des différentes étapes qui jalonnent ma longue pro-
        
        
          duction. Elle a su aussi valoriser les tableaux avec des
        
        
          alphabets sociaux-politiques réalisés à partir de signes
        
        
          déjà existants, mais qui sont moins connus du public.
        
        
          ÉC
        
        
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          En décollant, avec Raymond Hains, des affiches
        
        
          lacérées des murs de la ville, à la fin des années 40,
        
        
          vous avez inventé une nouvelle façon de faire de l’art.
        
        
          En étiez-vous conscient au départ ?
        
        
          JV
        
        
          |
        
        
          Je voulais être artiste, mais je ne m’intéressais pas
        
        
          au métier de peintre. Je souhaitais surtout faire quel-
        
        
          que chose de nouveau. Dans les années 50, à Paris,
        
        
          l’avant-garde picturale était représentée par la peinture
        
        
          abstraite. Il n’y avait plus rien à inventer de ce côté-là.
        
        
          Pour se différencier, la typographie et l’affiche nous
        
        
          sont apparues comme une piste à explorer.
        
        
          ÉC
        
        
          |
        
        
          L’idée des décollages d’affiches lacérées par des
        
        
          passants anonymes est probablement le résultat de
        
        
          nombreuses influences et d’un enchaînement de
        
        
          différentes circonstances. Si on retrace votre propre
        
        
          trajectoire, on s’aperçoit que votre rencontre avec l’ar-
        
        
          tiste Raymond Hains, votre passion commune pour le
        
        
          cinéma et la fréquentation des poètes lettristes ont joué
        
        
          un rôle essentiel dans cette découverte d’une nouvelle
        
        
          grammaire artistique. Commençons par votre rencon-
        
        
          tre avec Raymond Hains…
        
        
          JV
        
        
          |
        
        
          J’ai rencontré Raymond Hains pour la première fois
        
        
          en janvier 1945 à l’École des beaux-arts de Rennes. Il
        
        
          n’y est pas resté très longtemps, mais nous sommes
        
        
          devenus d’inséparables amis. Quand, l’année suivante,
        
        
          il est allé vivre à Paris, à Montparnasse, je lui ai rendu
        
        
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          Exposition
        
        
          Jacques Villeglé, ou la comédie urbaine
        
        
          
            Entretien avec Élisabeth Couturier
          
        
        
          
            
              Jacques Villeglé, la comédie urbaine.
            
          
        
        
          Du 17 septembre 2008 au 5 janvier 2009,
        
        
          centre Georges-Pompidou.
        
        
          Commissaire : Sophie Duplaix.
        
        
          
            ACTU
          
        
        
          
            Quai des Célestins.
          
        
        
          Août 1964, affiches lacérées marouflées sur toile,
        
        
          219 x 220 cm. Collection particulière.
        
        
          Courtesy Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris.
        
        
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