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page
58
(
artabsolument
)
no 15 • hiv er 2005/06
art absolument : Il semble que l’art contemporain dans ses der-
niers développements aspire à un autre rapport au temps que
celui de la “mélancolie”, celle-ci vue, dans son aspect positif,
comme “devoir de mémoire” des traumas de l’histoire – en par-
ticulier du XX
e
siècle dans son versant le plus sombre –, mais
aussi, plus négativ ement, dans son impos sibilité d’éprouver
quelque absolu que ce soit après la “mort de Pan ou de Dieu”.
Cet
au-delà de la mélancolie
que vous analysez, est-il lié au fait
que, à l’aube de ce nouveau siècle, dont on sait qu’elle crée
de
facto
un bilan du précédent, nous sommes dans une phase de
“mise à distance” de celui-ci ? Ou, plus simplement, engagés
dans de nouveaux processus de création liés à une conscience de
la diversité des cultures (le pôle progressiste de la globalisa-
tion – la “connexion mondiale généralisée”) ?
Christine Buci-Glucksmann : Dépasser le temps mélancolique
très “fin de siècle”, avec son ambivalence, temps des traumas et
de création, mais aussi temps d’une fixation mortifère au passé
qui revient comme une ombre, un fantôme, dans la crypte du
Moi, est aujourd’hui une tâche prioritaire. Car dans un contexte
marqué par la mondialisation propre à une culture des flux, il
convient d’explorer les énergies créatrices d’Est en Ouest, tous
les métissages et les entre-deux culturels. Désormais, le monde
n’a plus de dehors ni de frontière absolue, et nous disposons
d’une archive virtuelle de toutes les cultures, qui doit susciter un
“nouveau travail de l’imagination”, selon les termes d’Appadurai.
La vitalité des arts chinois, africain ou indien le montre.
À la logique dualiste de l’Occident (Tout ou Rien, l’Être ou le Néant),
comme au primat de la mélancolie des chairs et des corps souf-
frants issus de la Passion chrétienne, il convient d’opposer une cul-
ture et un art des devenirsmultiples, un art de l’immanence, comme
le voulait Gilles Deleuze. Au fond, affirmer la diversité comme Autre,
Si la Mélancolie est l'un des versants de la création en Occident, l'esthétique de
l'au-delà
de la mélancolie
pourrait en être sa ligne de fuite – son échappée à tr avers la sensation,
le jeu, l'Orient, l'hybride, le divers… Rencontre avec une philosophe de l'art qui réfléchit
depuis quelques années sur cette question.
Rencontre
L'au-dela de la mélancolie
Cinq questions à Christine Buci-Glucksmann
Paul Klee.
Blumenmythos/Flower Myth.
1918, aquarelle sur papier, 29 x 15,8 cm.
Sprengel Museu, Hanovre.
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