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22
(
artabsolument
)
no 15 • hiv er 2005/06
François Dilasser ouvre la port e de son at elier de
Brignogan. Dehors il fait un temps cotonneux comme
seule la Bretagne nous en réserve : ciel blanc, froid
juste coupant, atmosphère dense. L’atelier baigne
dans une lumière électrique, confortable et douce,
renvoyée par la pâleur du plafond. Toujours du blanc,
presque de l’isolant. Aucune vue extérieure directe :
côté rue, en haut du mur, une baie horizont
ale
encadre l’enseigne vert menthe de la pharmacie voi-
sine ; c ôté jar din, quelques buis sons et plant es
désordonnés mont ent à l ’assaut d’un mur et. Ici,
aucune distraction, seulement quelques tables, une
chaîne stéréo, du travail en cours : carnets ouverts,
peintures dressées.
L’artiste se moque bien de c e qu’il y a à l ’extérieur.
Les horaires de travail sont souvent les mêmes. Les
après-midi d’automne dans l’atelier, quatre ou cinq
heures suivies d’une petite marche en bord de mer.
Les vertus de la rumination int ellectuelle liées à cet
exercice sont essentielles à sa stimulation (Jacques
Lacarrière, Cees Noot
eboom, Henry David
Thoreau…). P enser en mar chant, pas ser du plan
matériel à celui du tableau.
Comprendre François Dilasser, parlant peu, faisant
confiance à son intuition, à l’indocilité de sa main, c’est
s’éprendre de ce ressassement. Si le dessin multiplié
de l’artiste, presque “crobard”, d’après nature, acide
presque cruel, tire vers le réel, sa peinture déserte
ostensiblement le paysage. Ell e le restitue en une
somme d’émotions chromatiques, en des concrétions
de formes énigmatiques, le tout en différé.
L’atelier est donc une cellule d’isolement, un parallé-
lépipède étanche dans lequel s’affaire Dilasser. Aux
quatre coins, il a punaisé des
Planètes
majuscules,
des grands papiers qu’il peint, certains en attente. Il y
a aussi des études, des dessins par rangées, en par-
ticulier des globes soulignés, ciselés de traits, man-
gés d’ombre, un clin d’œil à Odilon Redon. Dans le
travail en cours, une fois le seuil passé, il n’y a pas de
priorités, d’or dre particulier . Il pas se de l ’une à
l’autre, fignole, supprime, r ecouvre, met un point
final. P our qui c onnaît l ’œuvre de Dilas ser, c es
Planètes
sont surprenantes, étrangement dilatées.
Sur fond de bronzine ou d’argent, elles s’épanouis-
sent, grêlées de pépit es aux t eintes fl orales, des
roses, des bleus, des oranges, des jaunes… De vien-
draient-elles sauvages ?
Les
Planètes
sont presque des vieilles lunes. Sans
doute, leur acte de naissance remonte-t-il à la série
des
Jardins
, c omme une c ontingence. Aut our de
1990, Dilas ser peint ses
Jardins
: dans un c adre
donné, serré, un hexagone est “calepiné”, peuplé de
figures, de cr oix, de f ormes r épétitives qui, en
quelque sorte, l’habitent. Un tel jardin est suspendu
dans l ’espace. Les c ouleurs r etenues sont plutôt
sombres, des gris, des ocres. Pourtant, le polyèdre va
s’émanciper, pour bondir d’une cloison à l’autre du
cadre. La t entation du cercle, sans dout e, de ses
quelques arpents d’éternité. Rappelons simplement
qu’un jardin, tel celui du Jantar Mantar à Jaipur,
immense observ atoire, peut de venir un r eposoir
d’étoiles et de constellations.
Dès 2000, la planèt e c élibataire, seul e dans son
cadre, revient en force dans l’œuvre de Dilasser,
Œuvre matérielle, concrète, poétique, vivante, “cosmique” d'un peintre de 80 ans à la fois
méconnu et célèbre, retiré dans sa Bretagne natale : décryptage des
Planètes,
l'une des
séries les plus singulières de son tr avail par l'actuel conservateur en chef du Musée de
l'Abbaye Sainte-Croix des Sables-d'Olonne.
Peinture
François Dilasser, planètes sauvages
Entretien avec Benoît Decron
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