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artabsolument
)
no 15 • hiv er 2005/06 page
75
A r t i s t e s e n A q u i t a i n e
la maîtrise conceptuelle du dessin et laisse la réputa-
tion de Venise s’exercer davantage dans le registre
mineur, sinon artisanal, du coloris. Cette opposition
rhétorique entre le dessin et la couleur a été large-
ment exploitée par la suit e. L’idée que la peintur e
vénitienne séduit sans vr aiment convaincre, comme
un discours brillant mais dépourvu d’une véritable
assise, satisfait alors les partisans de l’académisme.
Devenu directeur de l’Académie royale de peinture, de
sculpture et d’architecture, Charles Le Brun consi-
dère à son tour que « la couleur dépend tout à fait de
la matièr e al ors que l e des sin
dépend de l’esprit ». L’opinion que
la couleur est moins noble que le
dessin entérine celle qui préjuge
que l’invention du t ableau l’em-
porte sur son exécution. Ce sont
les Romantiques qui ont permis de
ressusciter la magie de V enise :
Chateaubriand, Byron, Alfred de
Musset… Mais c’es t à Hippol yte
Taine que revient, sans doute, le
mérite d’avoir donné le goût de la
peinture vénitienne au public fran-
çais : «Devant leurs tableaux, écrit-
il dans
Voyage en Italie
, on n’a pas
envie d’analyser et de raisonner, si
on le fait c’est par force. Les yeux
jouissent, voilà tout : ils jouissent
comme ceux des Vénitiens du sei-
zième siècl e ; c ar V enise n’ét ait
point une cité littéraire ou critique
comme Florence ; la peinture n’y
était q ue l e c omplément d e l a
volupté environnante, l a décora-
tion d ’une s alle d e b anquet o u
d’une alcôve architecturale. Il faut
pour s e l ’expliquer, s e mettre à
distance, fermer les yeux, attendre
que les sensations soient émous-
sées, alors l’esprit fait son office.
Voici trois ou quatre idées prépa-
ratoires : sur un t el sujet, on
devine, on ébauche, on n’écrit
pas…». Taine expliquait volontiers
le caractère unique de Venise en
ce que, seule en Europe, après la
chute de l’Empire romain, elle
était demeur ée une cité libr e,
continuant en cela “l’esprit des
républiques anciennes”.
L’exposition présentée à la galerie
des Beaux-arts aborde tous les genres dans lesquels la
peinture vénitienne de la Renaissance a excellé : le pay-
sage, l e portr ait, l ’allégorie pr ofane et sacr ée. On y
retrouve demême les artifices qui ont fait la réputation de
cette école : son goût pour le faste, les brillants effets d’ar-
chitecture, les trompe-l’œil audacieux, le ruissellement
des brocarts, le chatoiement des ét offes et t outes les
sonorités de la palette. Conçue à l’image d’une fête, cette
exposition a pour secrète ambition d’apporter la démons-
tration qu’un art dégagé des seul es préoccupations du
dessin n’est pas forcément un art sans dessein.
Paolo Caliari, dit Véronèse.
Léda et le cygne.
Huile sur toile, 121 x 100 cm. Musée Fesch, Ajaccio.
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