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          (
        
        
          artabsolument
        
        
          )
        
        
          no 12    •    printemps 2005
        
        
          Domaine Public
        
        
          L’Alhambra
        
        
          (Le voyage en Espagne)
        
        
          Théophile Gautier
        
        
          Nous avions pour l’Alhambra une telle passion
        
        
          que, non contents d’y aller tous les jours, nous
        
        
          voulûmes y demeurer tout à fait, non pas dans
        
        
          les maisons avoisinantes, qu’on loue fort cher
        
        
          aux Anglais, mais dans le palais même, et, grâce
        
        
          à la protection de nos amis de Grenade, sans
        
        
          nous donner une permission formelle, on promit
        
        
          de ne pas nous apercevoir. Nous y restâmes
        
        
          quatre jours et quatre nuits qui sont les instants
        
        
          les plus délicieux de ma vie sans aucun doute.
        
        
          Pour aller à l’Alhambra, nous passerons, s’il vous
        
        
          plaît, par la place de Vivarambla, où le vaillant
        
        
          More Gazul courait autrefois le taureau, et dont
        
        
          les maisons, avec leurs balcons et leurs mira-
        
        
          dors de menuiserie, ont une vague apparence de
        
        
          cages à poulets. Le Marché aux poissons occupe
        
        
          un angle de la place, dont le milieu forme un
        
        
          terre-plein entouré de bancs de pierre, peuplé de
        
        
          changeurs de monnaie, de marchands d’alcarra-
        
        
          zas, de pots de terre, de pastèques, de merce-
        
        
          ries, de romances, de couteaux, de chapelets et
        
        
          autresmenues industries en plein vent. Le Zacatin,
        
        
          qui a conservé son nom moresque, relie la
        
        
          Vivarambla à la Plaza-Nueva. Dans cette rue,
        
        
          côtoyée de ruelles latérales, couverte de
        
        
          tendi-
        
        
          dos
        
        
          de toile à voile, s’agite et bourdonne tout le
        
        
          commerce de Grenade : les chapeliers, les
        
        
          tailleurs, les cordonniers, les passementiers et
        
        
          les marchands d’étoffes occupent presque
        
        
          toutes les boutiques auxquelles sont encore
        
        
          inconnus les raffinements du luxe moderne, et
        
        
          qui rappellent les anciens piliers des halles de
        
        
          Paris. La foule se presse à toute heure dans le
        
        
          Zacatin. Tantôt c’est un groupe d’étudiants de
        
        
          Salamanque en tournée, qui jouent de la guitare,
        
        
          du tambour de basque, des castagnettes et du
        
        
          triangle, en chantant des couplets pleins de verve
        
        
          et de bouffonnerie ; tantôt une horde de bohé-
        
        
          miennes avec leur robe bleue à falbalas, semée
        
        
          d’étoiles, leur long châle jaune, leurs cheveux en
        
        
          désordre, leur cou entouré de gros colliers
        
        
          d’ambre ou de corail, ou bien une file d’ânes
        
        
          chargés de jarres énormes et poussés par un
        
        
          paysan de la Vega, brûlé comme un Africain.
        
        
          Le Zacatin débouche sur la Plaza-Nueva, dont
        
        
          un pan est occupé par le superbe palais de la
        
        
          Chancellerie, remarquable par ses colonnes
        
        
          d’ordre rustique et la richesse sévère de son
        
        
          architecture. La place traversée, l’on commence
        
        
          à gravir la rue de los Gomeres, au bout de
        
        
          laquelle on se trouve sur la limite de la juridic-
        
        
          tion de l’Alhambra, face à face avec la porte des
        
        
          Grenades, nommée Bib-Leuxar par les Mores,
        
        
          ayant à sa droite les Tours Vermeilles, bâties, à ce
        
        
          que prétendent les érudits, sur des substruc-
        
        
          tions phéniciennes, et habitées aujourd’hui par
        
        
          des vanniers et des potiers de terre.
        
        
          Avant d’aller plus loin, nous devons prévenir nos
        
        
          lecteurs, qui pourraient trouver nos descrip-
        
        
          tions, quoique d’une scrupuleuse exactitude,
        
        
          au-dessous de l’idée qu’ils s’en sont formée, que
        
        
          l’Alhambra, ce palais-forteresse des anciens
        
        
          rois mores, n’a pas le moins du monde l’aspect
        
        
          que lui prête l’imagination. On s’attend à des
        
        
          En 1840, Théophile Gautier, alors jeune écrivain prometteur de la génération romantique,
        
        
          entreprend un périple en Espagne où il privilégie les étapes andalouses : de son voyage
        
        
          “exotique”, nous avons choisi de vous faire découvrir ou redécouvrir ses célèbres pages sur
        
        
          l’Alhambra de Grenade.