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62
(
artabsolument
)
no 12 • printemps 2005
Tympans d’Autun, de Vézelay, de Moissac, de Conques, de Beaulieu… C’est en moins
de cinquante ans – entre 1100 et 1150 – qu’émergent les représentations inoubliables
du Christ, du culte des saints et de la Création tout entière.
Esthétique
Porches et portails romans
Par Isabelle Renaud-Chamska
Clôture et ouverture, entrée et sortie, façade et che-
vet, occident et orient : la porte principale de l’église,
placée dans l’axe du bâtiment depuis les toutes pre-
mières basiliques chrétiennes – alors que les basi-
liques romaines avaient une entrée latérale – occupe
une position stratégique pour l’intelligence et la fonc-
tionnalité d’ensemble du bâtiment. Elle ouvre sur un
espace séparé, sacré, qu’elle clôt aussi sur lui-même,
tout en assurant la perméabilité avec le monde exté-
rieur. Toujours à la fois ou potentiellement ouverte et
fermée, la porte est placée à cette jointure, dans ces
espaces de pénétration fragiles et incontournables –
passages obligés – que les sculpteurs romans ont tra-
vaillé sans relâche pendant cinquante ans, entre 1100
et 1150, rendant ainsi ces espaces de transition aussi
beaux et signifiants qu’utiles. Des portails monumen-
taux formant une véritable collection de chefs-
d’œuvre de l’art roman en France déploient leurs
éventails de pierres sculptées comme des écrins
enchâssant le plus souvent la scène – ô combien pré-
cieuse et redoutable – de la théophanie du Christ.
Déjà à l’époque carolingienne la porte de certaines
églises avait donné lieu à un traitement tout à fait
particulier, avec ces “antéglises” ou “massifs occi-
dentaux” qui avançaient, délimitant un espace litur-
gique où jouer le drame de la passion du Christ
chaque année à Pâques. La
Visitatio Sepulcri
, ou
visite des Saintes Femmes au tombeau, se déroulait
ainsi dans une tour ronde ou carrée précédant la nef
dont il ne reste que peu d’exemples architecturaux,
mais un certain nombre de témoignages iconogra-
phiques. Déjà le thème de l’Apocalypse et la présence
de l’Ange annonçant la Résurrection étaient intime-
ment liés à l’emplacement de la porte de l’église. La
chapelle haute de la tour est alors souvent consacrée
à saint Michel, chef des escadrons célestes et
psy-
chopompe
, autrement dit conducteur des âmes des
morts, donc lié au thème du jugement. Les carnets
de modèles de l’an mil provenant de Saint-Benoît-
sur-Loire montrent l’ancienne tour ouest de l’abba-
tiale, élevée vers 990 par l’abbé Abbon, sous forme de
Saint-Sépulcre, veillé par les anges gardiens. La
tour-porche de Gauzelin, bâtie en 1026, illustrée par
de nombreux chapiteaux, atteste encore l’importance
stratégique de cet emplacement pour la liturgie, ainsi
que les avant-nefs comme celle de Cluny III, disparue
aujourd’hui – Cluny II était précédé d’un atrium et
d’un parvis voûté appelé “Galilée”, mot qui renvoie au
vaste monde où se déploie l’apostolat des chrétiens.
On connaît aussi les avant-nefs de Tournus, de
Perrecy-les-Forges, de Paray-le-Monial ou de
Vézelay, pour n’en citer que quelques-unes. La
façade d’une église abbatiale comme celle de
Jumièges avec ses deux tours encadrant un massif
occidental, est révélatrice d’un courant dominant à
cette époque qui aime les divisions tripartites et don-
nera naissance aux façades harmoniques du XII
e
siècle. La porte principale s’ouvre, dans la nuit de
Pâques, pour la procession des fidèles derrière le
cierge pascal allumé au feu nouveau, avec les accla-
mations chantant le Christ, lumière du monde, ori-
gine et fin de toute chose, premier-né d’entre les
morts, alpha et oméga en qui tout est renouvelé : «
À lui le temps et l’éternité, à lui la gloire et la souve-
raineté, durant les siècles des siècles». Le décor
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