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artabsolument
)
no 10 • automne 2004 page
67
Notes d’atelier
Roman Opalka, Laurent Saksik,
Barbara & Michaël Leisgen
Présentés par Philippe Piguet. À propos de l’exposition
Turner Whistler Monet
Galeries nationales du Grand Palais
Turner Whistler Monet
Du 16 octobre 2004 au 17 janvier 2005
/…
| ac tu |
Éloge de l’être-là
Quand, en 1844, il peint le célèbre tableau intitulé
Pluie, vapeur et
vitesse,
Joseph Mallord William Turner est âgé de soixante-neuf ans.
Cette année-là, James McNeill Whistler n’en a que dix et Claude Monet
tout juste quatre. Image culte d’une histoire de la peinture qui dépasse
les canons du romantisme, l’œuvre de Turner bouscule toutes les
conventions picturales et subvertit toutes les habitudes visuelles. Plus
qu’une autre, elle est fondamentalement en rupture et résume le mieux
la conquête par le peintre d’une vision réellement moderne. Le souffle
d’une rare puissance qui embrase la toile emportant la matière pictu-
rale dans un essentiel tourbillon, l’aveuglante intensité de la couleur
qui sourd des profondeurs de la pâte, la liberté démesurée d’une tech-
nique qui n’a que faire de la mimesis, tout fait ici l’éloge de l’idée de flux.
Il est question d’écoulement, de passage, voire de traversée. L’expérience
mentale et sensible de l’œuvre de Turner procède d’une énergie dont la
force vive et élémentaire fonde ontologiquement le vivant. Il interroge le
rapport de l’homme au temps, à l’espace et à la lumière, c’est-à-dire à
sa place dans l’univers. Chacun à leur manière, Whistler et Monet ont
été parmi les premiers à appréhender l’exemplaire de l’œuvre du
peintre anglais et l’on voudrait imaginer que, lorsque l’auteur des
Meules
est à Londres lors d’un séjour familial en décembre 1891 et
qu’il rend visite à son ami américain qui y habite, les deux compères
sont allés ensemble à la Tate saluer leur vieux maître. D’un regard
contemporain sur le passé, il est toujours question d’écho et de réso-
nance, de vision et d’attitude prospectives.
Dans le contexte d’une actualité célébrant l’Anglais, l’Américain et le
Français, convoquer ici même trois artistes contemporains – Roman
Opalka, Barbara & Michaël Leisgen et Laurent Saksik – n’a d’autre but
que de vouloir mettre en exergue de
simples et sublimes permanences. Peu
importe ce qui les lie ou non, plus ou
moins directement, à leurs aînés. Il n’est
pas question de filiation. Ce qui est en jeu
est de l’ordre de la création autant que de
l’existence, de l’imaginé autant que du
vécu. De ce souffle, de cette lumière, de ce
passage du temps, qui sont parmi les cri-
tères récurrents d’une dimension de
l’homme dans son rapport au monde
extérieur. De sa présence. Peintre infini-
ment, Roman Opalka a fait le choix d’une
œuvre dont le projet est celui d’une vie.
L’art de Barbara & Michaël Leisgen se
nourrit d’une expérience qui conjugue
signe, mythe et lumière. À l’épreuve de la
couleur, celui de Laurent Saksik interroge
notre rapport perceptif au corps. Trois
artistes d’origines et de générations diffé-
rentes, trois démarches singulières qui en
appellent à des techniques et à des proto-
coles distincts. Où, par-delà le temps, à
l’instar d’exemples passés, peinture, pho-
tographie et nouvelle technologie sont au
service d’une même préoccupation : dire
l’être-là de l’homme au monde.
Ph. P.
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