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Le miracle bleu
Saint-Loup-en-Troyes retrouvé
Vie (défunte) de château
Troyes ne saurait pourtant se comparer à toute
autre ville, privilège d’un épicentre de l’Europe
durant deux siècles, lors de ces foires comtales
qui fondèrent les générations marchandes se
préparant à manœuvrer dans les coulisses du
pouvoir. Car la gloire du musée se niche dans
cette stratigraphie de notables qui, détachés
de la cour, s’aménagent des havres en leurs
fiefs. Déjà la Grande Mademoiselle, cousine
frondeuse de Louis XIV, ravalait ses larmes sur
son chemin d’exil pour s’extasier à Pont-sur-
Seine devant « une des plus belles maisons
de France », château livré par Pierre le Muet
à Claude Bouthillier pour les terres de Marie
de Bragelongne son épouse. Décorée par les
équipes de Champaigne, partiellement mise au
goût rocaille par le Maréchal de Saxe, héros de
Fontenoy en 1745, la fastueuse demeure allait
être détruite en représailles durant la campagne
de France alors qu’elle appartenait à Letizia
Bonaparte… Comme à la Chapelle-Godefroy,
cet autre souffre-douleur des bandes noires qui
démantèlent les biens nationaux même après
la Restauration, les saisies révolutionnaires
De Giotto à Corot. Six siècles de peinture
Réouverture des galeries de peinture
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie (Saint-Loup), Troyes
Depuis le 15 mars 2019
Conservatrice : Chantal Rouquet
Pierre Mignard, dit Le Romain.
Autoportrait avec saint Luc peignant la Vierge
.
1695, huile sur toile, 123 x 102,5 cm.
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Troyes.
PAR VINCENT QUÉAU
Belle ensommeillée à portée d’entrechat, la
capitale de la Champagne des comtes inaugure
la création d’un pôle muséal de grande envergure
par la rénovation du musée Saint-Loup réintégré
dans une châsse grise, rose et azur.
Matériellement, il s’est bien peu passé ; le
simple ripolinage de deux pièces – mal en
point, à vrai dire ! – héritées du XIX
e
siècle de
l’érudition, celui où chaque ville française se
dotait d’un musée laissant cohabiter l’univer-
sel et la curiosité locale. Pourtant, cette pre-
mière phase d’un chantier colossal, si finement
menée par une science de la conservation à la
fois exigeante et séductrice, autorise déjà la
contemplation d’une collection superbe dont
on attend avec impatience la révélation d’autres
épisodes : sculptures, vitraux, arts modernes,
décoratifs, industriels. Car reste un second fait
pour titiller notre frustration : le corps central
de l’ancienne abbaye Saint-Loup, édifiée en sou-
venir du miracle qui préserva la ville des hordes
d’Attila, offre un terrain idéal au redéploiement
d’une glyptothèque, pour le moment invisible, la
troisième de France, incluant les fonds d’atelier
Pierre Simart et Paul Dubois, la donation Eugène
Piat, plus d’autres vertigineux vestiges…
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