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Soulages,
l’odyssée du noir-lumière
«J’attire l’attention sur l’inexplicable», aime à
dire Soulages. «Ma peinture ne devient de l’art
qu’à partir dumoment où elle est vue, où elle est
regardée par d’autres, comme une œuvre d’art,
c’est-à-dire comme une chose que d’autres
regardent et vivent à leur manière. » Nécessité
du regard de l’autre, interrogation systématique
du mystère par la peinture : seraient-ce les res-
sorts de cette fascination qu’exerce son œuvre,
urbi et orbi
?
En 2009, pour les 90 ans de l’artiste, le Centre
Pompidou organisait sa deuxième rétrospec-
tive nationale, avec ses
Outrenoirs
et grands
Polyptyques
en suspension dans l’espace
(comme à Houston, en 1966), attirant 500 000
visiteurs ! La notoriété de Soulages n’a cessé de
grandir au fil des décennies. Quelques étapes à
rebours dans sa vie? 2014 : inauguration par le
président de la République François Hollande
du Musée Soulages autour de la donation
d’œuvres de l’artiste à Rodez, sa ville natale.
2001 : premier peintre vivant exposé à l’Ermi-
tage à Saint-Pétersbourg. 1994 : alors qu’il
expose à Séoul et à Pékin, inauguration de ses
104 vitraux translucides de l’abbatiale Sainte-
Foy de Conques qu’il a conçus pour lui restituer
sa lumière originelle – c’est là même, à 12 ans,
que serait née sa vocation de peintre, dans le
dépouillement cistercien si propice à l’intériorité
métaphysique. 1967 : première rétrospective en
France au musée national d’art moderne, suc-
cédant à celles de Hanovre, Essen, Zurich ou du
Danemark à partir de 1960. 1955 : participation
à la toute première
Documenta
à Kassel, après la
XXII
e
Biennale de Venise et l’exposition
Peintres
de la Nouvelle École de Paris
en 1952 à Paris.
L’affirmation
de l’abstraction
Dès 1948, lors de la première exposition d’art
abstrait des
Französische abstrakter Malerei
–
dont Kupka, Herbin ou Domela – circulant dans
l’Allemagne d’après-guerre, l’affiche reproduit
le
Brou de noix
sur papier
de Soulages, un nou-
Soulages – Une rétrospective
Fondation Pierre Gianadda, Martigny (Suisse)
Du 15 juin au 25 novembre 2018
Commissariat : Bernard Blistène et Camille Morando
PAR PASCALE LISMONDE
40 ans d’existence et 10 millions de visiteurs : la
fondation Pierre Gianadda célèbre sa trajectoire
glorieuse avec une rétrospective
Soulages
élaborée par
le Centre Pompidou avec l’artiste
à partir des œuvres de l’institution parisienne,
tout juste enrichie d’un important legs de l’artiste
suisse Pierrette Bloch, disparue en 2017. Avec
quelques prêts de collections particulières, ce
sont 36 œuvres de 1948 à 2017 qui sont réunies
–
un concentré emblématique de son exploration
singulière de l’abstraction. Quasi-centenaire,
présent dans 110 musées, artiste préféré des
Français, Pierre Soulages, tel un trésor national
vivant, est honoré dans le monde entier.
«Grand comme tous les Césars
1
», d’une sérénité
rayonnante, à la fois dans son temps et hors du
temps. Un géant de la peinture avec son «art rétif,
vivace, terriblement entier
2
».
Peinture 260 x 202 cm, 19 juin 1963.
1963, huile sur toile, 260 x 202 cm.
Centre Pompidou, Paris.
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