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ACTUALITÉS
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MOUVEMENTS
MODERNES
Fasciné par les chocs lumineux et colorés que prodigue la vie
moderne, Robert Delaunay trouve dans le sport l’une de ses
grandes expressions. Avant d’en synthétiser le mouvement avec
sa série des
Coureurs
(1925), ce partisan d’un « spectacle total »
se lance dans
Football
, projet inabouti mêlant la syncope de
danseurs à celle de la musique qu’il désire « envoyer comme une
balle dans tout l’univers ». Au même moment, le futuriste italien
Umberto Boccioni, souscrivant d’une autre manière au culte de la
vitesse, livre avec son
Dynamisme d’un joueur de football
l’image
d’une figure réduite à son mouvement, à l’exact opposé de l’aqua-
relle peinte par Marcel Gromaire en 1930, qui voit un gardien de
but tutoyer l’hiératisme d’une statue. Après la guerre, il revient
à Nicolas de Staël de faire rentrer le stade dans l’atelier, en 1952.
Après avoir assisté au Parc des Princes à l’un des premiers matchs
disputés en nocturne, son enthousiasme le pousse à entamer
une série sur le sujet, réduisant joueurs, balle et tribunes à un
entrechoquement de carrés de couleurs.
FOOT
ET ART
Lors de l’Euro 2016 en France, l’exposition
Foot Foraine
à la
Grande Halle de la Villette à Paris avait, entre autres « fans
zones», accompagné le championnat jusqu’au dernier but du
Portugal contre les Bleus. Cet été, l’agenda du ballon rond fait
vivre la planète au rythme du Mondial en Russie. Tour d’horizon
des manifestations et des règles de base lorsque le football et
l’art se font la passe.
Par Tom Laurent
ZIDANE
Celui qui a offert à la France la Coupe du Monde en 1998 ne lasse
pas, même lorsqu’il décide d’arrêter son métier d’entraîneur, de
fasciner les foules. Parmi elles, des artistes attentifs ont saisi en
lui la part de mythe, suivant le mouvement de lumière et d’ombre
qu’offre en écho l’écrivain Jean-Philippe Toussaint– allant jusqu’à
affirmer que le soir de la finale de 1998, la France « n’a pas connu
un tel enthousiasme depuis Voltaire », avant d’en faire un enfant
de Saturne pour son coup de tête à Materazzi en 2006. Avec sa
sculpture polémique de 5,40 mètres de haut reprenant le face-à-
face entre les deux joueurs, Adel Abdessemed prolongeait cette
vision mélancolique en un héroïsme ambivalent. En tournant
leur film
Zidane, un portrait du XXI
e
siècle
sorti en 2006, juste
avant le début de l’Euro fatidique, Douglas Gordon et Philippe
Parreno voulaient sonder ses pensées. Braquant 17 caméras sur
sa seule personne durant un match, en résulte une même fasci-
nation pour ses gestes, anodins ou plus spectaculaires, sans que
le mystère ne s’évanouisse.
Umberto Boccioni.
Dynamisme
d’un joueur de football.
1913, huile sur toile,
193 x 201 cm.
MoMA, New York.
Nicolas de Staël.
Les Footballeurs.
1952, huile sur toile,
19 x 27 cm. Musée
des Beaux-Arts
de Dijon.
Philippe Parreno et Douglas Gordon
.
Zidane. Un Portrait du XXI
e
siècle.
2006, film 35 mm, 90 min.