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TOM LAURENT :
Lorsqu’on regarde l’en-
semble des cinquante structures par-
ticipant au réseau d.c.a (Association
française de développement des centres
d’art), c’est leur hétérogénéité – de taille,
de statut, voire d’inscription territoriale –
qui frappe. Entre le Palais de Tokyo à
Paris et la Halle des Bouchers initiée par
la ville de Vienne et inaugurée en 2014
par exemple, quel est le socle commun?
SOPHIE LEGRANDJACQUES :
Cette diversité
est historique mais c’est toujours une
richesse en termes d’expériences qui
nous permet de nous réunir au sein de
d.c.a autour de missions : comme l’aide
à la production d’œuvres, le soutien à la
recherche artistique et l’éducation artis-
tique et culturelle mais aussi autour de
valeurs éthiques : la défense du droit des
artistes – par exemple la rémunération
et la professionnalisation – en est une,
au même titre qu’une attention particu-
lière aux mouvements de la société, les
modes de gouvernance, les questions
d’égalité, de parité… Contrairement aux
FRAC ou aux musées qui disposent
d’un fonds d’œuvres, les centres d’art
se concentrent sur le travail avec les
artistes, par des aides directes à la créa-
tion, qu’elles soient financières, humaines
ou techniques, et différents dispositifs
Créé en 1992 comme un regroupement de directeurs de centres d’art –
notamment le CAC Meymac ou le CNEAI, des structures très liées à
leurs personnalités fondatrices – le réseau d.c.a a été récemment rejoint
par une nouvelle génération, Bétonsalon à Paris, Triangle à Marseille,
le Magasin des Horizons à Grenoble ou la Halle des Bouchers à
Vienne. Désormais associé aux centres d’art en tant que tels, d.c.a
leur fournit des conseils juridiques, un support pour mettre en commun
leurs actions et leurs expériences – comme pour
Plein Soleil
cet été,
manifestation regroupant l’ensemble de la programmation des acteurs
du maillage – et le relais politique nécessaire à être entendus au
niveau national. Bien souvent fruits d’initiatives singulières, financées
grâce à des équilibres parfois fragiles, ces structures sont en quête
de stabilité, sans pour autant faire une croix sur l’indépendance et
l’esprit d’expérimentation qui fait leur ADN. Rencontre avec Sophie
Legrandjacques, directrice du Grand Café à Saint-Nazaire, qui a été
élue présidente de d.c.a en 2017.
ENTRETIEN ENTRE SOPHIE LEGRANDJACQUES ET TOM LAURENT
Vies, survies et envies
des centres d’art
Vue de l’exposition
Aires de jeux
, performance de Karina Bisch, 2010.
Micro Onde, centre d’art de L’Onde, Vélizy-Villacoublay.
Julian Opie.
Calendrier de l’Avent
.
2009, Abbaye Saint-André, centre d’art contemporain de Meymac.
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DÉBATTRE
/
comme des résidences. Les centres d’art, justement parce qu’ils évoluent
dans des contextes territoriaux variés, avec des économies différentes,
sont des outils extrêmement flexibles qui ont à cœur de tirer parti de ces
situations spécifiques pour la création d’un véritable dialogue entre l’artiste,
le public et le territoire.
Plus de 40 ans après les premières expérimentations – à Dijon avec le
Consortium ou à Villeurbanne avec l’IAC – et 25 ans après la création de
d.c.a, dans quel état sont les centres d’art?
Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de lieux en France, cependant il y
a des incertitudes qui planent et une grande disparité territoriale, parce qu’il
y a des régions en plus grande souffrance économique et des politiques
régionales et départementales qui sont diversement menées. La réforme
territoriale impacte énormément le secteur de la culture, fragilisant les
petites structures telles que les centres d’art. Ce sont les plus vulnérables
au sein de l’écosystème FRAC-musées-centres d’art, car par leur absence
de collection, ils ne véhiculent pas de dimension patrimoniale en tant que
telle, ils sont plutôt des laboratoires qui préparent le patrimoine de demain.