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mitifs, qui vivent à l’âge de pierre dans la
jungle hostile, loin des bienfaits de la civili-
sation. Pourquoi en effet ? Parce qu’il s’agit
justement d’une civilisation – différente,
ancienne et profonde, où culture et nature
se rejoignent. L’anthropophagie rituelle
a longtemps empêché les Européens de
considérer les Indiens autrement que
comme des sauvages. Mais le calviniste
Jean de Léry, qui participa à l’aventure
coloniale de la France antarctique dans la
baie de Rio en 1558, remarquait déjà que
le cannibalisme des Tupinamba se révélait
plus respectueux que celui pratiqué en
France lors de grandes famines – comme
Définissant le Soi et l’Autre comme pôles
d’opposition irréductibles, certaines tribus
amérindiennes de la grande forêt-monde
d’Amazonie ont longtemps fait l’économie
de l’existence de l’Autre. Jusqu’à ce que
l’arrivée épidémique des Blancs mette
fin à ce partage du monde et de soi. On
sait que, depuis l’irruption des conquis-
tadors au XVI
e
siècle, les peuples d’Ama-
zonie ont perdu 80% des leurs. Le Brésil,
le plus grand des 9 pays amazoniens,
compte aujourd’hui 900 000 Amérindiens,
répartis entre 246 ethnies (dont certaines
réduites à quelques centaines d’individus).
Évidemment, qu’il s’agisse des Kashinawa,
des Kayapo, des Surui ou des Yanomami,
on pourrait se demander pourquoi il serait
nécessaire de préserver ces peuples pri-
À gauche : Claudia Andujar.
La Chute du ciel
,
série
Rêves Yanomami.
1976-2015.