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page
60
(
artabsolument
)
no 8 • printemps 2004
Claude Cahun, autoportrait fictionnel
L'autoportrait dans la photographie est depuis long-
temps un jeu avec la forme et la fiction de l'identité. Il ne
s'agit plus de montrer une “ressemblance objective” des
personnages, mais d'explorer des mondes intérieurs au
moyen des autofictions symboliques. Nul n’a su mieux
que Claude Cahun inventer unmythe personnel à travers
ses autoportraits ou son essai autobiographique,
Aveux
non avenus
. Sa quête frénétique identitaire constitue à la
fois une résistance contre la perte de singularité de l’être
et une affirmation de son indépendance dans ses choix
politiques, intellectuels et sexuels.
Objet de prédilection de ses mises en scène, le miroir
manifeste la dualité ou la brisure profonde du sujet tout
en amplifiant ce dialogue en abîme : “Être mon miroir et
mon corps, raccourcir la laisse. Et maintenant à nous
deux”, écrit-elle. Il n’y a pas d’interrogation sur lemiroir
qui ne soit une façon de jouer sur soi-même, sur sa
propre image. Car toute altérité constitue aussi une
altération. À travers le jeu des masques, Claude Cahun
n’a cessé de distribuer les rôles, de multiplier les
images de soi jusqu’à toucher les limites de cette andro-
gynie dont elle rêvait de faire un troisième genre. Elle
fixe les multiples métamorphoses de sa personnalité là
où elle-même serait l’objet de culte et de répulsion : être
tout à la fois poupée, garçonne, ange, monstre, prê-
tresse… Être autre pour devenir soi-même. Son œuvre
procède d’une poétique de la métamorphose identitaire
où les variations sur l’altérité émanent d’un exotisme
tout intérieur. Elle fait l’éloge de l’artifice, du maquillage
et du travestissement dans lequel la nature, comme le
corps, ne trouverait grâce que dans les écarts, les aber-
rations à la mesure d’un moi transfiguré.
Claude Cahun.
Autoportrait.
Vers 1925.
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