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          (
        
        
          artabsolument
        
        
          )
        
        
          no 7    •    hiver 2004
        
        
          Il est dans le travail récent de Gérard Titus-Carmel
        
        
          comme une tentation de la démesure qui se joue en
        
        
          tentative de construction de l’œuvre absolue.
        
        
          La Grande
        
        
          Feuillée
        
        
          se bâtit sur cet idéal toujours déçu de ne pou-
        
        
          voir donner à la vision du peintre, une possible unité.
        
        
          À l’origine est la déconstruction de l’image, et si
        
        
          chaque pièce est ce travail qui consiste à recoller les
        
        
          morceaux sur les ruines de la représentation, elle se
        
        
          réalise dans l’inachèvement de la tâche, chaque pièce
        
        
          composant ensuite la série au cours de laquelle le
        
        
          motif se décline comme à l’infini… sans cesse rejoué,
        
        
          ce rythme des séries s’enroule en lui-même comme
        
        
          les saisons toujours reprises de l’œuvre qui se déroule
        
        
          au fil du temps narratif de la vie du peintre.
        
        
          Depuis les
        
        
          Memento mori,
        
        
          encore conçus dans l’esprit
        
        
          de ces séries, à la composition de
        
        
          La Grande Feuillée,
        
        
          elle-même construite en juxtaposition d’éléments dis-
        
        
          parates mais qui se présente comme un véritable “mur
        
        
          de peinture”, un seuil me semble être ici franchi : celui
        
        
          d’une mise à l’œuvre de cette fulgurance du désir de
        
        
          totalité par la mise à l’épreuve de l’œuvre dans l’effet
        
        
          d’une inquiétude fondatrice. Car ce qui se vit ici, dans la
        
        
          tension de cette fragmentation, de cette séparation ori-
        
        
          ginelle, de cette disjonction non seulement employée
        
        
          comme une technique mais aussi agie comme le pro-
        
        
          cessus même de création, est l’âpre définition d’un
        
        
          temps et d’un espace autre pour la peinture : l’espace
        
        
          d’avant toute représentation, l’instant d’avant toute
        
        
          temporalité, l’image d’avant toute unité.
        
        
          La baie était prise d’une convulsion gris argenté, la
        
        
          tempête avait transformé le paysage en une image de
        
        
          catastrophe, les chaises s’envolaient, les bateaux
        
        
          s’échouaient, les vagues inondaient la route, tout au
        
        
          bout du ponton, un homme en ciré jaune tentait de
        
        
          tenir debout, on dit que le vent d’autan rend fou…
        
        
          Et si l’image avait la beauté d’une catastrophe, jamais
        
        
          une, impossible à saisir en totalité, toujours sur le point
        
        
          de se défaire, les morceaux y menaçant sans cesse de
        
        
          se désunir avant même d’avoir existé ensemble et qui,
        
        
          avant de disparaître, se juxtaposeraient à nouveau en
        
        
          une si fragile apparition, à peine la trace d’une pensée,
        
        
          tentant ainsi de ressaisir ce qui dans le visible toujours
        
        
          se dessaisit ou l’extrême épuisement d’un souffle qui
        
        
          s’évertuerait à faire craquer les coutures de l’être par
        
        
          l’effet d’une séparation douloureuse car incisive.
        
        
          La Grande Feuillée
        
        
          est composée de treize pièces pré-
        
        
          sentées bord à bord. Monumentale, parfaitement équili-
        
        
          brée, elle contient, en un mur de couleurs assemblées,
        
        
          toute la menace de ses débordements supposés…
        
        
          De grandes feuillées ainsi se dressent en une trou-
        
        
          blante opacité immémoriale se souvenant de l’instant
        
        
          d’avant, l’instant d’avant l’effondrement, l’instant
        
        
          Des
        
        
          Vanités
        
        
          aux grandes compositions végétales, les dernières œuvres de Gérard Titus-Carmel
        
        
          se confrontent à la mort, à la déréliction et à la fragmentation au bénéfice d’une nouvelle unité.
        
        
          D’unnouveaucorps.D’unenouvellevision.De l’art de lapeinturecomme
        
        
          traverséedesapparences
        
        
          .
        
        
          Peinture
        
        
          Gérard Titus-Carmel,
        
        
          l’inquiétude mise à l’œuvre
        
        
          Par Évelyne Artaud
        
        
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