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page
34
(
artabsolument
)
no 5 • été 2003
Sarkis présente actuellement, dans l’abside de la chapelle de Picasso à Vallauris, douze
Kriegsschatz
(trésors de guerre), montés sur des socles qui tournent sur eux-mêmes, dont le
pied est habillé de bandes magnétiques du
Sacre du printemps
d’Igor Stravinski. Portant
toutes la marque de l’artiste, ces sculptures tibétaines, chinoises, africaines et européennes
viennent converser les unes avec les autres à travers les âges et les territoires. Elles permettent
la prise et l'échange de parole vive. Toutefois, celle-ci ne peut se mettre en place que par
l'intermédiaire d'un témoin qui fait le relais entre le passé innommable et le présent indifférent.
La transmission n'est possible que lorsque ce tiers – descendant ou spectateur – entend les
témoignages. Dans le cas contraire, il ne resterait que ruines. Il ne s’agit pas de s’enfermer
dans le culte d’un passé irrémédiablement perdu, mais de laisser ouvertes les frontières.
Selon les vœux de Sarkis, ces “trésors de guerre” viennent non pas illustrer, mais accompagner
ce texte, faisant écho aux évènements récents.
“Ma mémoire est ma patrie”
, tel est le titre donné
à l'exposition de Sarkis à l'été 1985 à la Kunsthalle
de Berne qui témoigne de ses engagements esthé-
tiques, politiques et personnels. D'origine armé-
nienne, Sarkis est né en 1938, dans un hôpital
allemand d'Istanbul. Son épouse est d'origine turque.
Sa petite enfance est marquée par la guerre mondiale
et le ralliement de la Turquie à l'Allemagne. Des
années plus tard, évoquant cette période difficile avec
des amis turcs, juifs, grecs et arméniens, ils se rappe-
laient tous d'un détail particulier : les tapis sur les
fenêtres qu'ils croyaient placés là en guise de rideaux.
Tous comprirent, plus tard, que ces derniers servaient
en réalité de camouflage pour ne pas laisser filtrer la
lumière, à la nuit tombée. Ainsi, les avions ne pouvaient
repérer les maisons. De même, en 1945, l'enfant
Sarkis croyait que “Hintli”, qui signifie “indien” en turc,
et “Hitler” signifiaient la même chose. Les figures
récurrentes de son travail s’originent en partie dans sa
petite enfance : camouflage, jeu sur les mots, malen-
tendus, confusion des genres, détournement de fonc-
tion initiale ou du sens de l'objet.
Exilé depuis 1964, Sarkis développe un art qui fait
l'éloge du nomadisme et procède de l'inventaire d'une
mythologie personnelle au sein de laquelle il crée ses
propres contes et légendes. Ayant quitté l'ancien
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Esthétique
Mémoire et oubli :
les figures du silence chez Sarkis
Par Soko Phay-Vakalis
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