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page
76
(
artabsolument
)
no 5 • été 2003
“Louise. – De quel air méditatif vous circulez parmi ces
antiques, Walter ! Serait-ce que vous composez un
hymne sur les dieux d’autrefois ?“
August-Wilhelm Schlegel,
Les Tableaux
.
En dépit du mythe de l'artiste créateur, générateur
d'images inédites, voire de nouveauxmondes, nombre de
productions artistiques mettent en scène et investissent
l’Antiquité proche-orientale et l’art qu’elle a engendré.
D'un point de vue iconographique, bien sûr, l'imagerie
rattachée aux époques anciennes connaît une réelle for-
tune, notamment à partir des premières exhumations et
des premières campagnes de fouilles sur le terrain. Mais
artistes et artisans ne vont pas seulement chercher dans
l’Antiquité proche-orientale des modèles iconogra-
phiques ou une inspiration qui leur ferait défaut ; ils y
trouvent aussi la possibilité de questionnements divers
concernant l’histoire, et jusqu’à l’art lui-même.
Anticomanie
L’Antiquité proche-orientale a su inspirer nombre de
créateurs de domaines et d’époques diverses, que ce
soit dans le domaine pictural ou dans celui de l’artisa-
nat d’art. En continuité totale avec l’Antiquité, le Moyen
Âge celte mais aussi la Renaissance, empruntèrent de
façon ininterrompue aux modèles gréco-romains, eux-
mêmes hérités d’antécédents proche-orientaux. Plus
tard, le retour à l’antique de la fin du XVIII
e
siècle mais
aussi les tendances historicistes du XIX
e
siècle (atti-
sées par les découvertes contemporaines en Égypte et
dans le Croissant fertile) sont la marque d’un réel
engouement pour les styles et les créations du Proche-
Orient ancien. Orfèvrerie, bijouterie ou émaillerie
reprennent à leur compte le style “Ninive” ou le style
égyptisant, ou encore copient directement des pièces
récemment exhumées des palais orientaux. Il y a là
l’expression d’un goût populaire pour l’exotisme, mais
pas seulement ; Henri Layard lui-même (un des pre-
miers assyriologues, spécialiste de Nimrud) fut un réel
amateur de ces pièces de styles anciens, si bien qu’il
passa commande pour sa future épouse d’une parure
inspirée par les découvertes faites en Mésopotamie.
Les bijoux réalisés (boucles d’oreilles, collier, bague)
s’inspiraient assez librement de la forme des sceaux
cylindres. Le plus souvent, les créations du XIX
e
siècle
consistaient à utiliser des scènes peintes ou gravées
sur les murs des palais néo-assyriens, puis à les trans-
poser en métal ou en or, selon la commande. Le format
initial de l’œuvre ou même la technique utilisée par les
artistes d’origine étaient totalement ignorés ; seul
comptait l’effet final de la scène sur le pendentif ou sur
le bracelet nouvellement créé et étiqueté “de style
assyrien”. La qualité des productions était très
variable, et même souvent contestable.
La récente exposition
Tutanchamun, Geschichte und
Mythos
, qui s’est tenue au Museum Schloss de
Tübingen en 2002, présentait ainsi une collection assez
amusante de produits de beauté “Amun”, dont chaque
emballage intégrait l’image du pharaon ainsi que
divers éléments pouvant évoquer le pays du Nil (des
hiéroglyphes, notamment). L’Égypte millénaire, et le
cortège de représentations fantasmatiques qu’elle
charrie (l’immortalité, le faste, le prestige…) se porte
ici garante de la qualité du produit. Les Égyptiens pos-
On sait que l’Antiquité proche-orientale, en particulier les sites archéologiques, a fasciné des
générations de chercheurs, d’artistes et de photographes. Mais qu’en est-il de cette fascination
dans la création artistique contemporaine ?
Esthétique
Circuler parmi les antiques
Par Yannick Lepape