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page
12
(
artabsolument
)
no 4 • printemps 2003
FabriceHergott : Vous ouvrez ce livre de façon étonnante
avec le récit d’une expérience de votre enfance qui n’est
pas directement liée à l’art. Vous êtesmalade, isolé dans
votre chambre, vous regardez par le cadre d’une fenêtre
un arbre se détacher du ciel, le rapport d’une figure fra-
gile avec l’infini du ciel se découpant dans un rectangle.
Cette
Petite histoire de l’infini en peinture
commence
avec votre première confrontation à cette impression
d’infini qui se dégage de certaines images.
Pierre Schneider : Étonnant, en effet, et même un peu
gênant. Le lecteur peut se dire qu’il s’est trompé, qu’il
a affaire à un roman, à un texte autobiographique. Mais
ce n’est pas la première fois que cela m’arrive et je n’y
peux rien : bien que la
prima idea
de ce livre et le projet
qui en a découlé relèvent de l’art, ils ont réveillé en moi
un souvenir personnel et j’ai su aussitôt qu’il me fau-
drait commencer le livre par celui-ci, peut-être pour
rappeler d’emblée que l’expérience de l’art n’est pas
séparable de l’expérience de celui qui en parle.
Fabrice Hergott : En effet. Malgré l’ambition de votre
projet, ce livre paraît avant tout une expérience person-
nelle. Il semble que vous alliez d’une rencontre à
l’autre, vous penchant en majorité sur des œuvres et
des artistes que vous avez, dans la mesure du possible,
rencontrés et pu voir au plus près.
Pierre Schneider : “Nous ne sommes pas compris,
nous sommes admis”, disait Delacroix… On apprend
plus par contagion que par étude. J’ai eu la chance de
connaître – je veux dire de fréquenter – certains artistes
figurant dans mon livre : Giacometti, Sam Francis,
Barnett Newman. Mais enfin, ils ne forment pas la
majorité. Il serait plus juste de dire qu’y figurent surtout
des artistes dont j’ai beaucoup fréquenté l’œuvre :
Manet, Mondrian… ou les anonymes auteurs des codex
paléochrétiens… Par ailleurs, il en est que je “fréquen-
tais” très peu, mais que la direction peu à peu prise par
mon projet m’a forcé à y “comprendre” dans les deux
acceptions du mot, ainsi Dubuffet… C’est que le “sens”
du livre ne m’est apparu que progressivement. Au com-
mencement, je ne pensais qu’à réunir des artistes, des
œuvres qui me faisaient voir l’infini. Que tout cela
constitue une généalogie, s’articule en une histoire, je
ne m’en suis aperçu que chemin faisant.
Fabrice Hergott : Le titre de votre livre révèle un certain
aspect métaphysique dans votre projet. Comment cette
pratique mixte, rare dans la critique d’art, vous est-elle
venue ? Cette pratique qui vous fait lier la spéculation
et l’observation, toujours en partie ancrée dans la phi-
losophie et en même temps dans une écoute et une
attention aux artistes et aux œuvres ?
Pierre Schneider : Il y toujours une part d’invisible
dans la présence, une part qui se situe au-delà de la
stricte présence matérielle et qui donc est littérale-
ment métaphysique. Cette part constitue sans doute
le “sens” de la peinture, mais elle n’a de sens que
dans le contexte de la peinture. Parler de l’infini en
peinture exige un surcroît de confrontations
Esthétique
Rencontre entre Pierre Schneider et Fabrice Hergott
De l'infini en peinture
Après son
Matisse
, Pierre Schneider vient de faire paraître un nouveau livre,
Petite histoire
de l’infini en peinture *
, dans lequel il propose un regard novateur sur la notion de l’infini
dans l’art du passé et celui du XX
e
siècle. Fabrice Hergott, l’actuel directeur des Musées
de Strasbourg, a désiré en savoir plus.
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