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numéro 25
juin 2008
La fondation Clément
Entretien avec Bernard Hayot, président de la fondation
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Ultramarine
ArtAbsolument
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Comment votre projet de fondation a-t-il vu
le jour? Cela est-il lié à votre goût personnel pour l’art?
Bernard Hayot
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L’intérêt commence toujours modestement
dans un domaine comme l’art. Au début, on aime
des petites choses et puis petit à petit on en décou-
vre de nouvelles. Je crois que je ne suis jamais allé
en métropole, à Paris, sans trouver un moment pour
aller voir une ou deux galeries ou visiter quelques
expositions. Donc il est indéniable que j’ai un certain
intérêt pour l’art. Mais ce n’est pas le plus impor-
tant. L’important c’est que j’ai une passion pour la
Martinique. J’ai commencé, il y a 25 ans, à restau-
rer certains éléments du patrimoine de l’île, comme
l’Habitation Clément, devenue un lieu très historique.
François Mitterrand et Georges Bush père s’y sont
rencontrés ; Aimé Césaire y a planté un courbaril,
arbre endémique de la Martinique en voie de dispa-
rition, en prononçant un petit texte très symbolique
et extrêmement sympathique. Ensuite, nous avons
restauré une belle maison coloniale et petit à petit
nous en sommes venus à nous intéresser aux artistes
de la Martinique. Pourquoi ? Il y a beaucoup d’auteurs
connus à la Martinique comme, bien entendu, Aimé
Césaire, Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau ou
encoreRaphaël Confiant…Je pourrais faire une longue
liste… Et, bien entendu, il y a également de nombreux
talents dans le domaine pictural à la Martinique. Je
suis convaincu qu’il y a plusieurs artistes qui ne sont
pas connus parce qu’ils habitent loin de la métropole,
qu’ils ont des moyens modestes et qu’ils finissent un
peu par se décourager, n’ayant pas la possibilité de
montrer leurs œuvres. J’ai pensé qu’il était du ressort
de la fondation Clément de les faire connaître. Nous y
sommes allés à tâtons, et petit à petit, j’ai vu la pâte se
lever. Au début, quand nous faisions nos expositions,
nous avions 50 personnes qui m’étaient proches si je
puis dire. Un premier cercle. Maintenant, nous avons
entre 500 et 700 personnes qui sont présentes au ver-
nissage de chaque exposition. Nous faisons six ou sept
expositions par an, de décembre à juin, et nous avons
une quantité de visiteurs martiniquais ou de passage,
y compris les touristes. Et moi, ce qui me surprend et
me fait très plaisir, c’est que la clientèle qui est, pour
le moment, essentiellement martiniquaise, achète
des œuvres. Les artistes vendent et le bénéfice de
la vente est entièrement à leur profit (la fondation
ne prend aucun pourcentage). À chaque exposition,
nous vendons quand même entre 30 et 40 toiles. C’est
quelque chose de très significatif. Je pense que nous
avons contribué à l’éveil de la société locale, aussi
bien celle qui a les moyens que celle qui, plus jeune,
éprouve toujours plus d’intérêt pour cet art qui existe
depuis fort longtemps mais qui est peu connu. Ma
grande ambition, et c’est pour cela que je suis ravi de
l’initiative de votre revue qui contribue à faire connaî-
tre nos artistes, c’est de trouver un lieu significatif à
Paris où l’on pourrait montrer la réalité artistique de
la Martinique d’aujourd’hui. Et je suis convaincu que
si l’on fait cela très bien, cela aura un écho incontesta-
ble. Toutes les personnes auxquelles j’en ai parlé ont
Courbaril (arbre à feuilles doubles)
planté par Aimé Césaire en 2001,
Habitation Clément.