Polynésie française
Guyane
Mayotte
Réunion
Nouvelle-Calédonie
Saint-Pierre-et-Miquelon
Guadeloupe
Wallis-et-Futuna
Martinique
page
13
juin 2008
numéro 25
AA |
La Martinique est une île pourvoyeuse de talents
littéraires (d’AiméCésaire àRaphaël Confiant, enpas-
sant par Édouard Glissant ou Patrick Chamoiseau…)
mais également d’artistes plasticiens très intéres-
sants. Quelles sont, de votre point de vue, les raisons
de cette excellence?
YJ |
Les Antilles, c’est le métissage. L’expression de
“multiculturalisme” est à la mode, mais je pense
qu’il est plus intéressant de regarder là où se produit
effectivement un échange, une rencontre des cultu-
res. Ce métissage, cette “créolisation” si l’on veut, ce
n’est pas la confusion des genres, mais l’invention
d’une langue et d’un imaginaire.
Vous mentionnez plusieurs grands écrivains martini-
quais. Cela montre au moins une chose : c’est que la
méconnaissance des artistes ultramarins en métro-
pole n’est pas un rejet, bien au contraire, c’est plutôt
l’oubli de leur présence dans le cœur de l’âme fran-
çaise. La France a compté un grand nombre d’écri-
vains ultramarins reconnus au cours du XX
e
siècle. En
1921, le Guyanais René Maran, qui au passage était né
en Martinique, celui que Sédar Senghor appelait “le
précurseur” de la négritude, fut récompensé par le
Goncourt… Mais cette présence des artistes ultrama-
rins a toujours été grande dans la musique : je pense
notamment au Martiniquais Henri Guédon, décédé il
y deux ans, qui fut un percussionniste de génie, mais
aussi un plasticien étonnant, ce qui révèle le carac-
tère souvent pluridisciplinaire de ces artistes. Mais je
pourrais mentionner aussi le Guadeloupéen Al Lirvat
qui a modernisé la biguine qui, avant le jazz, est l’ex-
pression du feuilleté d’influences africaines, amérin-
diennes et européennes qui imprègne l’art caribéen.
Là, réside l’unedes raisonsde l’inventivitémartiniquaise.
Cette multiplicité des influences entretient un question-
nement foisonnant sur l’identité, sur la relation à l’autre,
sur l’appartenance au monde, et l’art est une réponse et
une manière d’affirmer sa présence au monde.
AA|
À titre personnel, quels artistes ultramarins vous
intéressent ?
YJ |
En qualité de ministre d’État, je n’ai pas de préfé-
rences personnelles à exprimer. J’ai une sensibilité
qui, comme c’est naturel, peut me rendre plus attentif
à certaines œuvres, mais, je suis curieux de toutes les
formes d’expression artistique, de tous les langages.
Je suis amateur d’art, et c’est un vrai bonheur d’aller
à la rencontre d’une telle profusion des talents.
Dans le monde actuel, le rôle de l’art est de permet-
tre que la rencontre des sociétés et l’imbrication des
territoires ne se transforment pas en confrontation
brutale des civilisations. L’expression artistique pro-
pre aux archipels ultramarins, en particulier dans
l’espace caribéen situé au carrefour de la mondiali-
sation, est, de ce point de vue, exemplaire. La mon-
dialisation réussie, c’est la rencontre de l’universel et
des identités singulières, c’est la réalisation du “je te
parle dans ta langue et c’est dans ma langue que tu
me comprends” d’Édouard Glissant.
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