De la différence entre un artiste et un créatif
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Qu’est-ce qu’un artiste pour vous aujourd’hui ?
Doit-on faire un distinguo entre un
créatif
(dans le sens
où un couturier de grand talent, par exemple, lorsqu’il
présente sa nouvelle collection, la crée) et un
artiste
qui, certes, peut vendre ce qu’il produit, mais dont
l’œuvre – l’enjeu symbolique – n’est pas directement
liée à cela? Autrement dit, doit-on faire une différence
entre les “artistes” qui sont liés à une nécessité inté-
rieure et les “créatifs” qui répondent le plus souvent à
une commande extérieure? Ou, au contraire, pensez-
vous que, de nos jours, tout le monde est artiste et que
de faire une distinction entre les arts majeurs et
mineurs, les médiums de l’art (la peinture, la sculp-
ture, la photographie, la vidéo, etc.), et la publicité, la
mode ou le design, n’est pas pertinent ?
L’art et le public
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On sait que, de nos jours, aller au musée, voir de
grandes expositions, s’intéresser à l’art, est devenu
l’un des pôles symboliques de notre société. Nous ne
pouvons certes que nous en réjouir. Cela dit, sans les
clefs pour mieux percevoir l’œuvre, que se passe-t-il
au juste ? Ne doit-on pas se défier de la tendance à
“l’art spectacle”, au “divertissement”, au “zapping”
que certaines manifestations dites grand public indui-
sent ? Si oui, comment y remédier ? Par l’éducation
artistique à l’école? Par une plus grande place de l’art
et de la culture dans les grands médias nationaux?
L’art contemporain et l’État
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Quel rôle l’État doit-il jouer ? Quelle(s) réforme(s)
l’État devrait-il entreprendre pour que la diversité
des artistes vivant en France soit mieux représentée –
à Paris, mais aussi en région, et ce, évidemment,
quels que soient leur médium, leur génération ou
leur origine ?
Y a-t-il un art
officiel
en France ?
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Y a-t-il le choix préférentiel d’une “esthétique” au
détriment de toutes les autres par les principales institu-
tions françaises (musées nationaux, centres d’art
contemporain, FRAC, CulturesFrance, etc.) – une
“esthétique” qui, au fil des ans, est devenue quasi
officielle ? Si oui, laquelle ? Et pour quelles raisons ?
La place de la France ?
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Aujourd’hui, comme ce fut le cas dans l’entre-
deux-guerres, des artistes de toutes origines résident
en France. Comme on le sait, la diversité (Picasso,
Brancusi, Chagall, Man Ray, etc.) a fait partie inté-
grante de la prépondérance de la France par rapport
aux autres nations du marché de l’art. Or, aujour-
d’hui, les artistes de la “scène française” sont peu ou
proumarginalisés. Quelles sont pour vous les priorités
nécessaires pour leur reconnaissance ? Comment
concevez-vous le rôle des galeries ? Des fondations ?
Des collectionneurs privés ? Du mécénat ? Des foires
d’art contemporain?
Histoire de l’art
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Sans les cinéphiles, tout le monde ignorerait le
cinéma d’auteur. Sans les lecteurs passionnés de lit-
térature, les bons écrivains qui finissent par émerger
de l’édition courante. Dans les arts plastiques, les
tenants de “l’avant-garde” – en déniant toute validité
au regard d’autrui (des autres artistes, des critiques,
des conservateurs de musée, des collectionneurs, du
premier cercle des amateurs d’art, du public éclairé,
etc.) – semblent cautionner une amnésie générale de
l’histoire des formes permettant la promotion de
“nouveautés” déjà fort éculées. Autrement dit : l’his-
toire de l’art (c’est-à-dire la chronique des mouve-
ments et des œuvres qui créent un
avant
et un
après
)
continue-t-elle à se constituer malgré l’uniformisa-
tion esthétique produite par les inévitables effets de
modes, ou est-elle vouée à disparaître ?
L’État et l’art contemporain en France
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Tribune libre
Pour ouvrir le débat, nous avons décidé d’interroger une quinzaine d’artistes et de professionnels
de l’art (galeristes, collectionneurs, sociologues, institutionnels) dont nous sommes loin d’ignorer
que, par-delà les effets de mode, ils ont su garder leur indépendance d’esprit.