automne 2007 • no 22 •
(
artabsolument
)
page
11
Il faut que l’État se méfie de sa propre tendance à
l’instrumentalisation. Pour nous, outre son rôle
prépondérant enmatière d’infrastructures culturelles
pouvant permettre de voir les artistes vivant en France
(si nous ne défendons pas “nos” artistes, qui le fera?)
et en matière d’éducation artistique (nous y revien-
drons dans un prochain numéro), il ne doit en aucun
cas privilégier une esthétique au détriment d’une
autre. Surtout, il ne doit exclure aucunmédium : quels
sont ceux qui – en France – ont décrété que la peinture
et la sculpture étaient périmées alors qu’elles sont
toujours d’actualité dans le reste du monde? Au nom
de quoi ? Au bénéfice de qui ? L’État n’a pas à faire
prévaloir tel ou tel “réseau” d’influence, mais l’excel-
lence là où elle se trouve. Il doit soutenir tous ceux qui
promeuvent
la diversité de l’art en France
: d’une part,
parce qu’à notre connaissance, il n’y a pas “d’art
français”, et d’autre part, parce que comme ce fut le
cas dans le foisonnement de l’entre-deux-guerres,
une multitude d’artistes d’ici et d’ailleurs créent dans
notre pays. Ce n’est pas seulement une réalité, c’est
également une
spécificité
qui, si elle est mise en
avant, peut – sans doute – emporter l’adhésion inter-
nationale (à ce sujet, une proposition : en complémen-
tarité à ce qui est principalement montré depuis deux
décennies dans les institutions muséales françaises,
il nous semble qu’il serait judicieux d’organiser une
grande exposition donnant à voir la peinture et la
sculpture créée en France depuis les années
soixante-dix jusqu’à nos jours…).
Encore un mot : nous ne prétendons
aucunement détenir la “vérité”. Nous
essayons simplement de répondre –
avec nos propres moyens – au désarroi
exprimé par les artistes eux-mêmes.
C’est pour cela que, pour avoir une idée
plus juste de la réalité de “l’état de l’art
contemporain en France”, nous avons
besoin de points de vue personnels (et indépen-
dants). De ceux qui s’expriment ici et que nous
remercions chaleureusement. Du vôtre – si vous le
désirez – en rejoignant la rubrique
Débats
de notre
nouveau site
.
Notre souhait
est que, par-delà les positions esthétiques de chacun,
par-delà les inévitables (et souhaitables) divergences
d’analyse, le débat ait lieu…
Pascal Amel et Teddy Tibi
d’un Tatline, d’un Rodchenko, d’un Dziga Vertov ou
d’un Eisenstein, c’est évidemment moins pour leur
message qui, pour nombre d’entre eux, se voulaient
propagandistes d’un avenir radieux inhérent à
l’enthousiasme lyrique de la révolution d’Octobre,
que par le formidable jaillissement de nouvelles
formes nécessaires à l’efficacité de ce message :
mais – autre leçon de l’Histoire – toujours dans
l’exemple soviétique (on pourrait citer n’importe quel
autre État totalitaire) – les “bureaucrates” ont tué
soit physiquement soit psychiquement les “artistes”;
et, cette lamentable mise au pas de leur propre
avant-garde artistique par les tenants du Réalisme
stalinien devrait en faire méditer plus d’un.
Cela dit, soyons clair : l’art n’est pas unidimensionnel.
Si l’art “critique” a sa nécessité, il n’est pas le seul.
L’art est, par définition,multiplicité, diversité, ouverture.
C’est même ce qui différencie les grandes œuvres
des autres. Si – aujourd’hui – vous pouvez relire
Dostoïevski ou revoir Rembrandt, c’est parce qu’il y a
plusieurs niveaux de lecture, plusieurs “régimes” du
regard que vous percevez au fur et à mesure de votre
propre expérience ; c’est parce que, bien qu’issues
d’un contexte, surgies de lui, ces œuvres s’en affran-
chissent pour devenir
nos contempo-
raines
. D’aucuns diront : tout cela est
dépassé (autre variante : dupassé faisons
table rase !). Nous ne leur rétorquons
pas. Nous citerons Robert Storr, chef
du département des peintures et
sculptures du MOMA de New York et
actuel directeur de la biennale de
Venise : «Des confrontations sérieuses
entre le travail des jeunes générations et celui tou-
jours actif des précédentes, voilà où est l’avenir de
l’art comme il l’a toujours été. » Et aussi : « Lancer
des tendances, suivre la vague, voire flairer ou anticiper
le goût ne m’intéressent pas beaucoup. Aujourd’hui,
ce que font les artistes est tellement varié et si largement
dispersé qu’il est réellement futile de se préoccuper
comme jadis de “tendance artistique majeure”, ou
même, pour être plus polémique, de vérité majeure. »
« L’État n’a pas à faire prévaloir tel ou tel
“réseau” d’influence, mais l’excellence là où
elle se trouve. Surtout, il ne doit exclure
aucun médium…»
I
1,2,3,4 6,7,8,9,10,11,12,13,14,15,...20