Dans le creux de la main, une poignée
de plumes, blanches, fragiles, de
celles que l’on nomme duvet, qui réfu-
giées dans la chaleur du corps, à
l’écoute de l’inspir, se dérobent à la
caresse du vent, puis s’échappent et
jaillissent dans l’allégresse du vol.
D’où proviennent-elles ? Elles ont été
observées puis cueillies comme l’on
cueille une fleur dans le cheminement
attentif et l’intériorité de la marche.
C’est ainsi que procède Isa Barbier.
Elle choisit puis prélève sur les roches
grises des îles du Frioul ou de Lérins,
dans le silence des vastes étendues de
Camargue, ces petites plumes échouées
là comme par hasard, en attente de…
Dans le calme de l’atelier, la collecte
faite, les plumes d’aujourd’hui s’en vont
rejoindre celles d’hier, certaines sont
encore enfermées dans des urnes reli-
quaires emprisonnant le secret de leur
Isa Barbier
>
Découverte
origine et de leur destination, d’autres sont lavées,
séchées, stérilisées, et reposent sur la table de travail.
Un projet est en cours. Dresser l’esquisse, faire des
dessins préparatoires, expérimenter à l’identique
avant de s’affronter à la réalisation finale. Ces petites
plumes de goélands, ces presque riens résiduels qui
se trouvaient là, dans la paume, vont devenir les par-
ticules élémentaires d’une installation éphémère
dont la forme est choisie en fonction du lieu qui la
reçoit et la contient.
Platon dans
Phèdre
affirme que «c’est la vertu natu-
relle de l’aile de mener vers le haut ce qui est pesant,
en le faisant monter aux régions élevées qu’habite la
race des Dieux». Toutefois, l’aile dans sa représentation
reste inerte, c’est le signe ou le symbole qui produit
l’impression du vol et de son ascension vers l’imma-
térialité et c’est ce que démontre Isa Barbier dans
son installation à l’aplomb du mur. Les plumes
reliées entre elles par des fils qui pendent à inter-
valles réguliers du plafond, génèrent une forme
oblongue dans laquelle deux ailes se font face de part
et d’autre d’un passage. Ces deux ailes semblent en
Par Bernadette Clot-Goudard
Étui B.G.02.
(Différents points de vue).
2003, plumes et pétales de roses, 39 x 135 x 270 cm. Galerie Rosa Turetsky, Genève.
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