PhilippePiguet
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Qu’en est-il de cette relation
quasi exclusive que vous entretenez à
l’architecture ? Je dis “exclusive” parce
que même lorsque vous traitez un pay-
sage, c’est encore un paysage
construit.
Stéphane Couturier
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L’architecture s’offre à
voir comme un cadre quasi abstrait
avec des masses, des couleurs, des
éléments graphiques de courbes, de
droites, d’angles droits qui m’offrent la
possibilité de faire une composition.
J’aime bien cette espèce de trame
architecturale. Par ailleurs, la ville me
fascine parce qu’on peut l’aborder tout
à la fois de différents points de vue : his-
toriquement, politiquement, sociale-
ment ou économiquement. Quand on va
à Berlin ou à La Havane, il y a des stig-
mates de toutes les époques, de tout ce
qui s’est passé. La ville s’offre ainsi à
voir comme une espèce de phénoménal
réservoir de sujets et de mémoires.
Pour moi, c’est un filtre qui me permet
de m’exprimer à partir d’une matière
très réelle, très présente.
PP
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Vous en parlez comme un peintre
qui se justifie d’utiliser tel pigment, de
constituer telle composition. Quel
genre de rapport entretenez-vous dans
votre travail à la peinture ?
SC
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Mon rapport à la peinture n’est
jamais explicite. Si on peut s’amuser à
Stéphane Couturier, éloge de l’hybride
>
Photographie
retrouver dans mon travail certaines références,
c’est que l’histoire des représentations passe par
celle de la peinture et qu’il n’est pas possible d’y
échapper. Quand on considère tous ces peintres qui
ont travaillé sur la perspective, sur l’appréciation du
point de vue, sur la question d’échelle, leurs
exemples ne peuvent que vous interpeller et vous
nourrir, quel que soit le mode que vous pratiquez. Ce
qui m’importe, c’est d’arriver avec ce support
contemporain qu’est la photographie, voire avec la
vidéo, de pouvoir m’exprimer et porter un regard
propre sur mon environnement.
PP
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Votre travail se développe au fil du temps à travers
différentes séries d’images : archéologies urbaines,
monuments,
landscaping
, etc., et tout récemment
Toyota. Lorsqu’on traverse votre parcours, quelque
chose y est à l’œuvre d’une expérimentation perma-
nente, discrète mais déterminante.
SC
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Cette discrétion s’explique peut-être par une cer-
taine lenteur. Je suis quelqu’un qui a beaucoup de
doutes et qui se méfie toujours de la pertinence à
créer de nouvelles images dans un monde qui en est
envahi. Avant d’aborder un nouveau sujet ou de tra-
vailler avec un nouveau support, j’ai besoin de
prendre du temps, de faire des tests, etc. Cela
m’amène à être assez lent dans la progression.
PP
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Dans cette dernière série autour de Toyota, vous
n’y allez pourtant pas de main morte et œuvrez à
grand renfort de manipulations de toutes sortes via
l’ordinateur. Qu’est-ce qui est donc arrivé ?
SC
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Il s’agit d’une commande qui m’a été passée à l’oc-
casion de l’exposition universelle d’Aïchi, au Japon,
Entretien avec Philippe Piguet
De Paris à Séoul en passant par l’Île Seguin, Hyères, San Diego, Moscou, Berlin, Dresde, Pékin, Amsterdam,
Aïchi, etc., il n’est pas toujours facile de suivre Stéphane Couturier. Fondamentalement attiré par la ville, il en
saisit des vues photographiques inédites dont les compositions se jouent en pleine frontalité de l’imbrication
des perspectives, des lignes et des plans qui les structurent. Intitulée
Melting Point
, sa toute dernière série sur
les usines Toyota l’a entraîné à la réalisation d’étonnantes images palimpsestes où ordre et chaos font para-
doxalement excellent ménage.
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