«Ce n’est pas l’artiste moderne qui est
primitif, c’est le premier homme qui
était un artiste».
Barnett Newman
Dans l’hypothèse d’une renaissance
artistique, au XX
e
siècle, tournée vers les
mondes archaïque, primitif et peut-être
préhistorique, Barnett Newman nous
permet d’emblée de penser ce rappro-
chement, non comme progrès ou
régression, mais comme une coexis-
tence des mondes artistiques contem-
porain et préhistorique. Ce que dit
pareillement Pierre Daix, dans sa pré-
face à la publication de la grotte de
Roucadour : «De la découverte de
Lascaux en 1940, à toutes celles qui ont
suivi jusqu’à celle de Chauvet en 1995,
l’art du Paléolithique a acquis de nou-
velles dimensions qui ont donné raison à
Picasso (de dire qu’il n’y a ni passé ni
futur dans l’art), mais en retour il y a eu
une contribution de l’art moderne à l’art
du Paléolithique supérieur. »
L’art contemporain aura aussi enregistré
l’élargissement géographique des sites
préhistoriques, de l’aire franco-canta-
brique à dorénavant l’échelle de la pla-
nète, par exemple du
Rio Pinturas
en
Patagonie, au site de la
rivière Petymel
en Sibérie. Pourrions-nous considérer
quelques œuvres d’art contemporain
dans lesquelles opère cette survivance
Préhistoire et art d’aujourd’hui
>
Esthétique
des origines, comme
interprétants
de l’art préhisto-
rique ? Chez certains artistes c’est un enjeu déclaré.
Pour Claude Viallat, «Toute la peinture contemporaine
est dans Lascaux et dans la Préhistoire. » Pour d’autres,
la remontée des origines sera moins visible et moins
consciente, mais pour autant s’y joue peut-être ce que
Georges Bataille voyait dans les peintures de Lascaux :
« Leur beauté animale, fascinante après des millé-
naires d’oubli a toujours un sens premier : celui de la
séduction et de la passion, celui du jeu émerveillé, du
jeu qui retient le souffle, et que sous-tend le désir du
succès. Essentiellement, ce domaine des cavernes
sanctuaires est en effet celui du jeu. »
Cette peinture en jeu, ludique, tout au plaisir de la pro-
duction de signes, certains artistes n’iraient-ils pas
aujourd’hui jusqu’à en mimer les images?
Jeu d’image
«En même temps que nous effacions de nos mémoires
certaines catégories d’images, nous en retrouvions
d’autres beaucoup plus anciennes, créées durant la
Préhistoire, dans un temps qui produisait des images
universelles. »
Giuseppe Penone
Quelles sont ces images de la Préhistoire, avec lesquelles
nous entretenons une familiarité confuse? Partons d’un
choc visuel : sur une des dernières photographies de l’ate-
lier d’Elaine deKooning en 1988, l’envahissement de pein-
tures, qui ressemblent trait pour trait aux images de
Lascaux! Sur de grandes toiles, dont certaines au format
panoramique, c’est une cavalcade de bisons et de chevaux
dans les tonsocre. Qu’est-cequi apupousser cetteartiste,
écrivant aussi sur la peinture, compagne d’un peintre
Par François Jeune, Dominique Baffier, Rémi Labrusse et Max Charvolen
Peindre (d’)après Lascaux ?
Par François Jeune
Préhistoire et art d’aujourd’hui
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Qu’en est-il des rapports entre l’art de la Préhistoire – l’art des origines – et les artistes de la modernité ?
Les artistes d’aujourd’hui ? S’agit-il d’influences ? D’affinités formelles ? De problématiques communes ?
Réponses de Domminique Baffier, préhistorienne, de Rémi Labrusse, historien d’art, de Max Charvolen, artiste,
dans ce dossier constitué par François Jeune qui est lui-même peintre et universitaire.
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