| édito |
(
artabsolument
)
no 15 • hiv er 2005/06 page
11
L'art, la mondialisation, l'exception française…
L’art contemporain “mondial” serait-il enfin reconnu
en France ?
L’art contemporain – l’art qui se crée aujourd’hui – est
bien entendu mondial. Pour preuve, les très récentes
ou actuelles expositions
Africa Remix
au Centre
Georges-Pompidou,
Indian Summer
à l’École
Nationale S upérieure d es B eaux-arts d e P aris
,
Regards des Photographes arabes contemporains
à
l’Institut d u M onde A rabe,
L’année d u B résil
en
France : à c haque f ois l ’on d écouvre d es œ uvres
inédites, inouïes, non encore vues ; à chaque fois l’on
est saisi par le “local absolu”, le “singulier universel”
que révèle l’œuvre d’artistes venus d’horizons loin-
tains et pourtant infiniment proches puisque concréti-
sant un nouveau possible de l’être humain.
Il était plus que temps. Trop longtemps l’art contempo-
rain s’est uniquement cantonné aux États-Unis et à
quelques pays d’Europe occidentale, ce qui, outre la
privation du regard que cela induit, peut être considéré
non seulement comme une injustice mais comme une
étrange anomalie “sociétale” (après tout la musique,
la littérature, le cinéma sont depuis plusieur s décen-
nies “mondialisées”). T rop l ongtemps, l es artis tes
venus de pays non dir ectement liés au marché domi-
nant de l’art ont été marginalisés par ce dernier. Trop
longtemps l’art en France, qui reste pourtant par son
histoire et par la diversité de sa population l’une des
destinations favorites des artistes du monde entier,
n’a su rendre compte de l’émergence de ses nouveaux
regards. Trop longtemps la ques tion d’un é ventuel
“racisme de l’art contemporain”, qui fut posée dans les
années 90 par Jean-Hubert Martin, l e commissaire
des mémorables
Magiciens de la terre,
fut malheureu-
sement d’actualité.
Est-ce à dire que cette question est désormais réglée
en France ? Encore un effort : il semble que l’on se
contente trop souvent de montrer les artistes venus
d’ailleurs dans des expositions qui leur sont consa-
crées par nation ou par continent. Encore trop peu
d’institutions, de musées ou de centres d’art, trop peu
de galeries défendent les artistes venus de quelque
horizon que ce soit, défendent
les œuvres en tant que
telles
(a contrario, l’on ne peut que félicit er, outre
quelques institutions audacieuses, les galeries pion-
nières en la matière : les galeries Anne de Villepoix
avec par exemple Barthélémy Toguo et Yan-Pei Ming,
Kamel Menour avec Kader Attia et Adel Abdessemed,
Baudoin-Leboin avec sa récente exposition consacrée
aux photographes iraniens, et quelques autres qui
voudront bien me pardonner de ne pas les citer).
Encore un effort pour que l’art contemporain, trop sou-
vent perçu comme un lieu d’exclusion, devienne un
“lieu d’inclusion” – le lieu où, au-delà des déclarations
d’intention, l’éthique et l’esthétique se conjuguent
quelles que soient l’origine de ceux qui le créent.
Pascal Amel
Éditorial
Hicham Benohoud