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Autodidacte, celui qui porte alors le nom de Jean
Robert a seulement suivi des cours du soir de
dessin de la mairie de Paris que la guerre inter-
rompt. Obligé de travailler comme cimentier pour
les bunkers allemands, il utilise ensuite cematé-
riau avec sensibilité pour modeler ses premières
sculptures avant de privilégier le plâtre et la taille
du marbre de Carrare. Prenant alors le nom de
sa mère, Ipoustéguy trouve très vite une ligne
robuste et sensuelle qui surprend dans le pay-
sage artistique abstrait dominant l’après-guerre
en France. Cependant, le jeune galeriste Claude
Bernard relève «le pari du corps» en présentant
Bacon, César et Ipoustéguy parmi ses nouvelles
recrues au début des années 1960. Sa carrière
est lancée : prix, commandes publiques et inter-
nationales, biennale de Venise s’enchaînent,
jusqu’à la rétrospective de son œuvre en 1982 au
musée des Beaux-Arts de Lyon.
On redécouvre aujourd’hui une œuvre à la
postmodernité surprenante, où la provocation
et l’érotisme s’incarnent dans le maniérisme
tonique, nerveux de corps lisses qui annoncent
l’hyperréalisme. Impressionné lors d’un voyage à
Mistra par les ruines et les sculptures de la Grèce
antique, Ipoustéguy découpe l’anatomie comme
une mécanique de belle bagnole, comme autant
de pièces qu’on assemble. Il révolutionne les
points d’appui qui allègent le dispositif. La nar-
ration, le déséquilibre et les acrobaties des corps
sont retenus par des éléments abstraits de tubes
qui se courbent à l’image de frites enmousse flot-
tante ou de boyaux. Bouée pour semaintenirmais
aussi prolongement phallique, Ipoustéguy répond
à son époque reliée à la société de consommation
comme le fœtus à sa mère.
Chez Ipoustéguy, le corps est réceptacle de la
«jouissance en puissance», reprenant l’affirma-
tion du philosophe Spinoza. D’un côté, ses sculp-
tures deviennent des constructions secrètes,
des demeures pour l’esprit où l’expérience tac-
tile se fait à l’aveugle. Seuls les doigts peuvent
se faufiler et lire les formes sculptées à l’inté-
rieur – la sensualité d’un sein, par exemple, qui
se chauffe à température du corps par la main
Ipoustéguy, dont l’œuvre n’est pas reconnue comme il serait
légitime qu’elle le soit en France, est pourtant célèbre en
Allemagne, en Italie, en Pologne, aux États-Unis et même en
Australie. Le département de la Meuse fête le centenaire de sa
naissance (1920-2006) en déployant dans sept lieux la richesse
de sa création sculptée, peinte et dessinée.
PAR LAURENCE D’IST
Ipoustéguy,
sculpteur
par les deux bouts
Saison Ipoustéguy
7 expositions à Bar-Le-Duc,
Charleville-Mézières, Doulcon, Épinal, Verdun
De juin 2020 à février 2021
Commissariat : Marie Lecasseur,
Françoise Monnin et Marie-Pierre Robert
Scène comique de la vie moderne.
1976, bronze et téléphone, 220 x 125 x 125 cm.
Collection Ipoustéguy.
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