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En passant la porte du cabaret du
néant,
la clientèle du Montmartre de la
fin du XIX
e
siècle s’engouffrait dans un
décor mêlant moine halluciné jouant de
l’orgue, serveurs vêtus en squelettes et
effeuillages coquins de revenants. C’est
l’esprit propre à ce spectacle mi-bur-
lesque, mi-macabre qui a constitué le
socle de recherches menées par les
étudiants de la nouvelle filière
«Métiers de l’exposition» des Beaux-Arts
de Paris, qui en ont tiré le fil jusque dans
des réalisations d’artistes contempo-
rains. Puisqu’il s’agissait dans l’éta-
blissement parisien de conjurer la mort
en en riant, on y trouve l’installation
Professeur Suicide
d’Alain Séchas,
leçon d’auto-sabordage d’un maître
VANITÉS ET CABARET
AU CHÂTEAU DE RENTILLY
d’école à la tête constituée d’un ballon
de baudruche, une scénette érotico-
diablotine brossée par Antoine Marquis
ou les termes lapidaires gravés sur
des plaques de marbre par Damien
Moulierac – «ASAP», par exemple, pour
un rendez-vous dans l’au-delà… Mais le
cabaret du néant, version exposition
contemporaine, explore plus avant ce
rapport à la finitude, en la décortiquant
anatomiquement, en la personnifiant
ou en en sondant la substance. Et des
rapprochements auraient bénéficié à
être poussés plus loin, comme entre
planches d’anatomie, esthétique BDSM
et érotisme noir – dont les photogra-
phies de Tereza Zelenková sont des
exemples du genre.
TL
Vue de l’exposition
Le Cabaret du néant
,
Frac Île-de-France, Le Château / Parc culturel de Rentilly-Michel Chartier, 2020.
visions. Et le flottement du sens qu’elle
produit profite à cultiver un regard
animal – que relève Clément Chéroux,
le commissaire qui a accompagné sa
résidence, en rapprochant ses images
des vues d’Eli Lotar aux abattoirs de
la Villette en 1929. En toute logique,
l’exposition permet de voir les sujets
de ses photographies se contaminer.
D’une voiture retournée et calcinée où
des déchets sont agglomérés, difficile de
dire si elle résulte d’une nuit de contes-
tation ou de carnaval – dont Halpern a
pu aussi saisir les figures masquées. Et
comme dans la plupart de ses prises
de vues, c’est une image d’autel qu’elle
évoque. Cette vision ritualiste gagne
jusqu’aux corps, ceux d’un couple mixte
enlacé sur le sable ou d’une touriste
blanche sur le dos, portée dans l’eau par
un homme noir : «Pour qu’une image
fonctionne, elle doit comporter quelque
chose qui défie les attentes, quelque
chose de surprenant ou de dérangeant,
ou qui gratifie, quelque chose qui ne se
contente pas de réaffirmer ce que vous
savez ou ressentez déjà », commente
Gregory Halpern.
TL
Le Cabaret du néant
. Frac Île-de-France, château / parc culturel de Rentilly –
Michel Chartier, Bussy-Saint-Martin. Du 18 septembre au 15 novembre 2020
