Art Absolument 94 - octobre/novembre 2020 - Aperçu - page 24

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encore, après une nouvelle résurrection,
Beyrouth était classée par le
New York
Times
comme « la première ville à visi-
ter ». Aujourd’hui, cette belle ville appa-
raît meurtrie en son âme et sa chair : la
moitié de ses habitants sont tombés sous
Arabe
n’est pas
musulman
Et pourtant, quelle fascination ! « Les
cèdres du Liban étendent bien au-delà de
ses étroites frontières leur ombre mys-
térieuse », écrivait François Mauriac en
1963 : «Pour nous, fils d’Abraham, juifs,
chrétiens et musulmans, ces cèdres plu-
sieurs fois millénaires se dressent sur le
ciel de notre histoire et de notre préhis-
toire.» De fait, pour Éric Delpont, directeur
du musée, « la grande spécificité de l’IMA,
c’est de détenir de grandes collections du
monde arabe qui peuvent être aussi chré-
tiennes, juives, ou même bouddhistes,
voire agnostiques. Ce sont les seules à
être aussi encyclopédiques et représen-
tatives du patrimoine et de la création
artistique de la civilisation arabe. » À la
différence du Louvre par exemple, dont le
département des Arts de l’Islam présente
des collections qui vont de l’Espagne à
l’Inde, de la naissance de l’Islam jusqu’au
début du XIX
e
siècle.
«À l’IMA, les conférenciers introduisent
les visites en distinguant les mots
arabe
et
musulman
. Car l’ensemble des
Arabes – 450 millions d’habitants – se
répartissent en plusieurs religions, ils ne
sont pas seulement musulmans» : ils ne
sont pas plus de 20 % en pays arabes, la
majeure partie vit en Asie. Et la première
utilisation du terme
arabe
remonte à près
de trois millénaires (854 av. J.-C.), soit un
siècle avant la fondation de Rome et
un millénaire et demi avant le début de
l’Islam. «D’où l’extrême diversité des col-
lections de l’IMA et surtout sa capacité
à montrer les archétypes qui traversent
les différentes religions », explique Éric
Delpont. Par exemple, l’antique déesse
mère égyptienne Isis avec son enfant
Horus sur les genoux ressurgit avec
l’Enfant Jésus porté par la Vierge Marie,
grande figure tutélaire chez les chrétiens
comme les musulmans. Ainsi, après l’in-
cendie de la cathédrale Notre-Dame de
Paris, Claude Lemand a aussitôt sollicité
plusieurs artistes de sa donation pour
réaliser un «Hommage à Notre-Dame »,
d’abord exposé à l’IMA fin 2019. Puis,
les œuvres
Salâm
du Franco-Yéménite
Nasser Al-Aswadi ou
La Vierge à l’En-
fant
de Najia Mehadji ont été intégrées
dans les 44 lots de la vente en ligne
IMAgination
en juin-juillet 2020 chez
Christie’s Paris pour réunir des fonds en
soutien aux jeunes artistes de l’IMA fra-
gilisés par la pandémie de la Covid-19, où
Red Birds on blue sky
, une toile graphique
du Libanais Hussein Madi, s’est égale-
ment envolée à un prix record à leur profit.
La nécessaire
réorganisation de l’IMA
Assortie d’un fonds de dotation indispen-
sable pour continuer les acquisitions et
la faire vivre par des expositions, actions
éducatives, recherches et publications,
cette donation de 1 500 œuvres a
donc quadruplé les collections initiales
de l’IMA de cette section. Réunissant
des œuvres de 90 artistes du monde
arabe (du Maroc jusqu’au Soudan et au
Bahreïn), trois personnalités y prédo-
minent : l’Algérien Abdallah Benanteur
(1931-2017), le Libanais Shafic Abboud
(1926-2004) et l’Irakien Dia Al Azzawi
Ayman Baalbaki.
Tammouz (Juillet).
2016, acrylique sur papier, 75 x 120 cm.
Donation Claude & France Lemand,
musée de l’Institut du monde arabe, Paris.
Hussein Madi.
Jardin d’Eden 1.
2006, lithographie originale, 70 x 100 cm.
Courtesy galerie Claude Lemand, Paris.
le seuil de pauvreté et son peuple est
révolté contre les exactions infligées par
l’oligarchie au pouvoir, au sein d’un régime
multiconfessionnel qui a fait pourtant la
singularité politique du Liban au Proche-
Orient. Un pays au bord du gouffre !
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DÉBATTRE
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