Revue Art Absolument N°91 – décembre/ janvier / février 2020 – aperçu - page 17

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Vue de l’exposition d’Éric Baudelaire,
Prix Marcel Duchamp, Centre Pompidou, Paris, 2019.
Un film dramatique.
Courtesy de l’artiste et galeries Greta Meert,
Bruxelles, Barbara Wien, Berlin et Juana de Aizpuru, Madrid.
Si le cinéma est le lieu « d’un certain partage de la lumière »
(Jacques Rancière), celui d’Éric Baudelaire s’ingénie à y faire
exister des récits qu’on aurait pu voir condamnés à l’absence.
Celui d’un ministre des Affaires étrangères d’un pays non
reconnu, celui d’un réalisateur japonais passé par le terrorisme
ou celui d’un djihadiste dont le visage nous reste inconnu,
mais aussi celui qu’il a coécrit avec des collégiens de Saint-
Denis ces quatre dernières années. Au Centre Pompidou, le
visiteur de l’exposition du prix Marcel Duchamp sera peut-
être surpris d’y trouver ce dernier projet, tant son ambition
tranche avec celles des œuvres des autres lauréats. Dans le
même temps, le CRAC de Sète réunit plusieurs de ses projets,
permettant d’en saisir la pleine portée.
PAR TOM LAURENT
Éric Baudelaire,
le partage du réel
Éric Baudelaire. Faire avec
CRAC Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, Sète
Du 9 novembre 2019 au 2 février 2020
Commissariat : Marie Cozette
Éric Baudelaire. Prix Marcel Duchamp 2019
Centre Pompidou, Paris
Du 9 octobre 2019 au 6 janvier 2020
« Aujourd’hui, les mots «désordre» et «réel»
semblent quasi-interchangeables », écrivait
récemment Éric Baudelaire. En effet, que faire
de la divergence de récits dont aucun ne peut
être totalement écarté ? Prenant appui sur ce
que l’enregistrement sans conscience de la
caméra offre de latitude, Chris Marker tentait
d’y répondre en ramenant en 1957 les plans
de son fameux triple-commentaire de
Lettre
de Sibérie
: les mêmes images commentées en
suivant la doctrine soviétique, celle des vues
occidentales et la sienne. «Aucune n’est tout à
fait juste », concluait-il.
R comme réel, R comme récits
Baudelaire fait quant à lui intervenir plusieurs
voix dans chacun de ses projets. Pour
L’Anabase
de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi, et 27
années sans images
(2011), il a enregistré celles
livrées par la fille de la cheffe de l’Armée rouge
japonaise, restée dans la clandestinité au Liban
jusqu’à ses 27 ans, et par un cinéaste lui aussi
engagé dans ce groupe révolutionnaire ayant
pris fait et cause pour le Front populaire de
Libération de la Palestine, dont l’attentat à l’aé-
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