Revue Art Absolument N°91 – décembre/ janvier / février 2020 – aperçu - page 8

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ACTUALITÉS
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Cet hiver, ce sont les courbes du paysage
de l’île volcanique de Jeju, dans le sud
de la Corée, caressées par l’objectif de
Bae Bien-U, qui répondent à la première
catégorie. Véritable découverte, le travail
d’Henry Roy, construit par la photogra-
phie et l’écrit lors de plusieurs venues
QUÊTES PHOTOGRAPHIQUES
À CHAUMONT-SUR-LOIRE
sur le domaine cette année, en est l’exact
contrepoint. Car si les vues larges de Bae
Bien-U laissent oublier la présence de leur
opérateur, Roy, passé par l’image de mode,
s’est livré à une quête de face-à-face
soudains pour restituer ce qu’il nomme
«l’esprit des lieux». Haïtien de naissance, il
voit dans la série qu’il expose un «portrait
animiste» de Chaumont– non sans rappe-
ler la sentence de Richard Avedon, « tout
portrait est un autoportrait ». Lorsque
l’ombre d’un arbre passe sur le château ou
qu’une fougère rougeoyante se dresse nui-
tamment devant son appareil, la furtivité
de leurs saisies habite encore les images
qu’il a tirées de son arpentage. Comme
si un « esprit », justement, avait fouillé les
moindres recoins du domaine, sans faire de
distinction entreœuvres, plantes, lumières
ou ondées. Et plutôt que la majesté culti-
vée habituellement par les photographes
pour décrire Chaumont, Henry Roy se dis-
tingue par l’urgence hantée de son regard.
Également en quête d’imaginaire, Juliette
Agnel a bénéficié d’un soutien particulier
de la part du domaine: après avoir exposé à
l’hiver 2018 ses
Portes de glace
ramenées du
Groenland, c’est dans un Soudan en pleine
effervescence politique que l’a invité à se
rendre Chantal Colleu-Dumond, directrice
artistique de Chaumont-sur-Loire. Loin de
toute vocation documentaire, son travail a
trouvé dans les ruines de Méroé matière à
poursuivre sa rêverie. Pressentant dans la
rencontre avec l’ancien royaume kouchite
la vue d’une sorte d’Atlantide des sables,
Juliette Agnel a mêlé dans de mêmes
images les temps distincts du ciel étoilé
et des architectures enfouies dans les
dunes. Retravaillée à son retour, la série
Taharqa et la nuit
agrège tout autant une
fascination pour la science-fiction que sa
défiance vis-à-vis d’une vision purement
ethnographique : si elle a suivi Jean Rouch
en Afrique dans les années 1990, elle en
a surtout retenu la part d’imaginaire que
nécessite la restitution visuelle. Quitte à
faire œuvre des fantasmes que suscite la
vue d’une civilisation disparue.
TL
Quelle que soit la saison, l’une des qualités constantes à Chaumont-sur-Loire
est d’y voir présentées des œuvres largement reconnues – El Anatsui ou
Sheila Hicks récemment – aux côtés de celles d’artistes encore loin des
radars. La preuve encore en cette fin d’année, consacrée pour la troisième
fois à la photographie.
Chaumont-Photo-sur-Loire.
Domaine de Chaumont-sur-Loire.
Du 16 novembre 2019 au 28 février 2020
Juliette Agnel.
Taharqa et la nuit
, série
Les Nocturnes– Soudan
. 2019.
Henry Roy.
Chaumont-sur-Loire - Portrait animiste.
2019.
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