Art Absolument N° 84 - juillet/août 2018 - Aperçu - page 6

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CHRONIQUE
NO COMMENT
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En 1791, les révolutionnaires français, qui
venaient juste de promulguer le droit de
circulation, l’abolissaient presque aussitôt
pour éviter les fuites de nobles et les com-
plots avec les puissances européennes. À
cette entrave au droit de sortie du terri-
toire s’est substituée celle d’y d’entrer : les
migrants d’aujourd’hui– que leur exode soit
motivé par des conflits, des discriminations,
des catastrophes écologiques ou tout sim-
plement la faim, voire tout à la fois– sont
souvent accueillis les bras moins grands
ouverts que les aristocrates d’hier. Un
bateau empli de naufragés qui cherchent un
port, un commerce dans les pays-tampons
qui s’adaptent sans scrupules aux effets des
politiques migratoires, un Malien en situa-
tion irrégulière, devenu héros en sauvant
un enfant, promis à la naturalisation, un
Tunisien dans le même cas dont la régu-
larisation est bloquée pour n’avoir pas été
filmé, des négociations âpres entre les chefs
d’État européens et un accord aux contours
incertains : autant d’images spectaculaires
charriées ces derniers temps. Connu pour
ses
Mappings Journeys
(2008-2011), huit
films laissant chacun de leurs protago-
nistes retracer les étapes de leur parcours
migratoire, en grande partie clandestin,
Bouchra Khalili explore les possibilités de
récits alternatifs, où se lieraient poétique
et éthique. Son dernier film, montré cet été
au Jeu de Paume, poursuit cette réflexion à
travers l’héritage et l’engagement de Jean
Genet, figure de «voleur de frontières» s’il
en est.
Tom Laurent
Bouchra Khalili.
Speeches – Chapter 1: Mother Tongue
. 2012, vidéo. Courtesy Bouchra Khalili et Galerie Polaris, Paris.
Bouchra Khalili. Blackboard
. Jeu de Paume, Paris. Du 5 juin au 23 septembre 2018
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