Art Absolument 83 - mai/ juin 2018 - Aperçu - page 22

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Longtemps taxé d’occidentalisme, l’art de la dynastie
qajare, qui règne sur l’Iran de 1786 à 1925, éblouit par
son métissage solennel, sensuel et chatoyant. Au Louvre-
Lens, 450 pièces  – dont une vingtaine jamais sorties
d’Iran – retrouvent l’honneur perdu de l’Empire des roses.
PAR EMMANUEL DAYDÉ
MUSÉE DU LOUVRE-LENS
L’Iran qajar
Une rose est une rose
est une rose est une rose
L’Empire des roses – chefs-d’œuvre de l’art persan du XIX
e
siècle
Musée du Louvre-Lens. Du 28 mars au 23 juillet 2018
Commissariat : Gwenaëlle Fellinger et Hana Chidiac
Scénographie : Christian Lacroix
Comment considère-t-on l’art qajar en France?
«Au mieux sans intérêt, au pire inesthétique»,
résume Gwenaëlle Fellinger, la commissaire de
l’exposition du Louvre-Lens. Il suffit pourtant de
se rendre en Iran pour voir combien l’art fastueux
de cette grande dynastie, née au moment de la
Révolution française et qui règne jusqu’à l’aube
du XIX
e
siècle, reste encore étonnement présent
dans la société contemporaine. Malgré la rage
de destruction des ultimes Shahs Pahlavi (qui
ont chassés les Qajar du trône), on retrouve cet
art sombre et fastueux partout dans les bazars,
comme dans les intrusions contemporaines Pop
de la série
Qajar
de Shadi Ghadirian. Originale et
inattendue, l’impériale et jeune création artis-
tique des rois qajars tente de préserver une
identité menacée, au moment même où le pays
s’ouvre au monde et à la modernité. Lorsque le
chef de tribu turkmène Aqa Muhammad, rendu
eunuque par un souverain Zand, s’empare du
pouvoir en 1786 et crève les yeux du dernier roi
de cette dynastie, il réussit à réunifier la Perse
en lui donnant pour nouvelle capitale Téhéran.
Allié aux Français – ce dont témoignent de
grands portraits d’Askar Khan, ambassadeur
Jeune Femme au chador.
Vers 1840-50, huile sur toile.
Collection particulière, Genève.
d’Iran envoyé à Paris pour offrir à Napoléon
le sabre de Tamerlan – puis aux Anglais, afin
de lutter contre les Russes, son neveu Fath Ali
Shah donne véritablement naissance à « l’Em-
pire des roses». Installé au palais du Golestan –
ainsi nommé d’après le recueil poétique soufi
Le Jardin des roses
de Saadi au XIII
e
siècle, Fath
Ali restaure la grandeur de l’art persan en
reprenant les codes antiques des Achéménides
et des Sassanides, ainsi que la mystique des
Safavides (qui marque la naissance de l’état
chiite au XVI
e
siècle). Emblématique d’une auto-
rité restaurée, le portrait du souverain assis sur
un trône à l’européenne est diffusé dans tout
l’empire et en Europe, sous la forme d’effigies
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