Art Absolument 82 - Mars / Avril 2018 - aperçu - page 21

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«Cassatt appartient à cette génération d’Amé-
ricaines qui aiment la France, qui vivent en
France, qui s’y installent et qui vont devenir
Françaises », explique Pierre Curie, reliant sa
trajectoire à celles d’Elizabeth Jane Gardner,
Mary Louise Fairchild, Edith Wharton ou encore
Gertrude Stein : autant de femmes, artistes ou
lettrées, attirées par le centre névralgique de la
création artistique que représente Paris entre
1870 et 1914. Née en 1844 en Pennsylvanie dans
une famille de riches francophiles, Mary Cassatt
retarde son départ pour Paris en raison de la
guerre de Sécession et intègre la Pennsylvania
Academy of the Fine Arts of Philadelphia jusqu’en
1865, année de son installation dans la capi-
tale française. Là, le charme opère : Cassatt
revint très peu aux Etats-Unis, pour de courtes
périodes, en 1870, par exemple, à cause de la
guerre franco-prussienne ou en 1908 pour une
exposition de ses œuvres à l’annexe américaine
de la galerie Durand-Ruel, dont les affaires
sont florissantes à New York. En retour, Paris
l’adopte : passée comme nombre de ses com-
patriotes par l’atelier de Jean-Léon Gérôme et
les cours de Chaplin, à l’heure où les femmes ne
sont pas encore admises aux Beaux-Arts et où les
étrangers tendent à en être exclus, elle en adopte
le mode de vie mais aussi la peinture «indépen-
dante», terme qu’Edgar Degas veut voir rempla-
cer celui d’« impressionnisme», se distinguant
de ses consœurs vouées à un art académique.
Présentant un portrait d’elle par Degas et une
gravure qui la montre arpentant le Louvre avec
sa sœur, l’exposition de Jacquemart-André
rappelle l’importance de leur amitié artistique,
née à quelques pas de la prestigieuse institution,
boulevard Haussmann, lorsque Cassatt aperçoit
pour la première fois les figures de Degas dans
la vitrine d’un galeriste. Raccourcis, expressivité
de la couleur, solidité du dessin, peinture sociale
de la « vie factice », saisie des mouvements
des figures… Ce premier regard, dit-elle, « fut
le tournant de sa vie artistique ». Comment le
misogyne qu’était Degas put-il manifester tant
d’intérêt pour cette jeune Américaine rencontrée
en 1877, avant de l’inviter à exposer, dès 1879,
MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ
Mary Cassatt, une impressionniste américaine à Paris
Musée Jacquemart-André, Paris. Du 9 mars au 23 juillet 2018
Commissariat : Nancy Mowll Mathews et Pierre Curie
Cassatt
Mary
d’une femme moderne
scènes de la vie
« J’ai de la peine pour Mary Cassatt ; elle est de
Philadelphie, et elle a eu sa place au Salon  –
un véritable triomphe pour une femme et une
étrangère ; mais pourquoi s’est-elle à ce point
égarée ? » Sous la plume du critique du
New York
Times
, venu visiter l’exposition impressionniste
de 1879 – la première à laquelle participe Mary
Cassatt  –, transparaît en négatif toute l’audace
de cette femme aux racines américaines
et au cœur français. Gagnée à la peinture
« indépendante » sous l’influence de Degas, elle
en partage et en développe au féminin la vision
plus prompte à dépeindre l’atmosphère sociale
et intime que climatique.
PAR EMMA NOYANT
Femme assise avec un enfant dans les bras.
1889-90, huile sur toile, 81 x 65,5 cm.
Museo de Bellas Artes de Bilbao.
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