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          PHILIP GUSTON
        
        
          AFFREUX, SALE ET GÉANT
        
        
          « Il y a quelque chose d’un peu ridicule et
        
        
          demisérable dans lemythe de l’art abstrait,
        
        
          qui voudrait que la peinture soit autonome et
        
        
          pure et ne renvoie qu’à elle-même, préten-
        
        
          dait Philip Guston. La peinture est impure !
        
        
          Et elle trouve sa continuité dans ses “impu-
        
        
          retés”mêmes.»Dernier-né de l’expression-
        
        
          nisme abstrait, cet ami d’enfance de Pollock
        
        
          apporte néanmoins son ultime pièce à la
        
        
          légende de l’école de New York en mode-
        
        
          lant, au début des années 1950, de dégou-
        
        
          linants champs vaporeux, tracés à coups
        
        
          de brosse courts et violents, qui alternent
        
        
          geste et contre-geste afin de recréer un jeu
        
        
          d’ombre et de lumière, et qui vont s’entas-
        
        
          sant près du centre de la toile, dans des
        
        
          lumières exsangues où des roses saignants
        
        
          se laissent envahir par des gris amorphes.
        
        
          Leur entrelacement laineux fait parler à leur
        
        
          propos d’impressionnisme abstrait : « Le
        
        
          désir d’expression directe est devenu si fort,
        
        
          déclare alors cet
        
        
          
            AmericanMonet
          
        
        
          , quemême
        
        
          le laps de temps nécessaire pour atteindre
        
        
          la palette posée à côté de moi est devenu
        
        
          trop long. Aussi me suis-je forcé à peindre
        
        
          sans reculer une seule fois pour regarder
        
        
          mes tableaux. » En 1970 pourtant, le gentil
        
        
          Guston rompt brutalement avec une
        
        
          
            Action
          
        
        
          
            poetry
          
        
        
          portée à son zénith et se déclare
        
        
          traître à la cause moderniste en exposant à
        
        
          la galerie Marlborough des peintures figu-
        
        
          ratives grossières et hirsutes réalisées en
        
        
          cachette depuis 1967. Dans un style enfan-
        
        
          tin singulièrement proche du
        
        
          
            Fritz the cat
          
        
        
          de Robert Crumb, il rature d’une manière
        
        
          tranchante et acérée des livres ouverts, des
        
        
          chaussures ferrées et des murs de briques
        
        
          S’il fallait établir une trilogie du dollar de l’
        
        
          Action painting
        
        
          , on pourrait toujours
        
        
          discuter du bon (Rothko ?), de la brute (Pollock ?), mais pas du truand, dont
        
        
          le rôle reviendrait assurément à Guston. Rompant avec l’expressionnisme
        
        
          abstrait américain pour faire du grotesque une souveraineté arbitraire, Philip
        
        
          Guston laisse une œuvre de vieillard indigne, impure, brutale et triviale. La
        
        
          tentation de Venise.
        
        
          PAR EMMANUEL DAYDÉ
        
        
          
            Philip Guston et les poètes
          
        
        
          Gallerie dell’Accademia, Venise
        
        
          Du 10 mai au 3 septembre 2017
        
        
          Commissariat : Kosme de Barañano
        
        
          
            Philip Guston.
          
        
        
          
            Laughter in the Dark, dessins de 1971 & 1975
          
        
        
          Galerie Hauser & Wirth, Londres
        
        
          Du 19 mai au 29 juillet 2017
        
        
          
            Untitled.
          
        
        
          1975, encre sur papier, 61 x 48,3 cm.
        
        
          DOSSIER
        
        
          
            VENISE