Revue Art Absolument N°78 – juillet-août 2017 - Aperçu - page 14

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PHILIP GUSTON
AFFREUX, SALE ET GÉANT
« Il y a quelque chose d’un peu ridicule et
demisérable dans lemythe de l’art abstrait,
qui voudrait que la peinture soit autonome et
pure et ne renvoie qu’à elle-même, préten-
dait Philip Guston. La peinture est impure !
Et elle trouve sa continuité dans ses “impu-
retés”mêmes.»Dernier-né de l’expression-
nisme abstrait, cet ami d’enfance de Pollock
apporte néanmoins son ultime pièce à la
légende de l’école de New York en mode-
lant, au début des années 1950, de dégou-
linants champs vaporeux, tracés à coups
de brosse courts et violents, qui alternent
geste et contre-geste afin de recréer un jeu
d’ombre et de lumière, et qui vont s’entas-
sant près du centre de la toile, dans des
lumières exsangues où des roses saignants
se laissent envahir par des gris amorphes.
Leur entrelacement laineux fait parler à leur
propos d’impressionnisme abstrait : « Le
désir d’expression directe est devenu si fort,
déclare alors cet
AmericanMonet
, quemême
le laps de temps nécessaire pour atteindre
la palette posée à côté de moi est devenu
trop long. Aussi me suis-je forcé à peindre
sans reculer une seule fois pour regarder
mes tableaux. » En 1970 pourtant, le gentil
Guston rompt brutalement avec une
Action
poetry
portée à son zénith et se déclare
traître à la cause moderniste en exposant à
la galerie Marlborough des peintures figu-
ratives grossières et hirsutes réalisées en
cachette depuis 1967. Dans un style enfan-
tin singulièrement proche du
Fritz the cat
de Robert Crumb, il rature d’une manière
tranchante et acérée des livres ouverts, des
chaussures ferrées et des murs de briques
S’il fallait établir une trilogie du dollar de l’
Action painting
, on pourrait toujours
discuter du bon (Rothko ?), de la brute (Pollock ?), mais pas du truand, dont
le rôle reviendrait assurément à Guston. Rompant avec l’expressionnisme
abstrait américain pour faire du grotesque une souveraineté arbitraire, Philip
Guston laisse une œuvre de vieillard indigne, impure, brutale et triviale. La
tentation de Venise.
PAR EMMANUEL DAYDÉ
Philip Guston et les poètes
Gallerie dell’Accademia, Venise
Du 10 mai au 3 septembre 2017
Commissariat : Kosme de Barañano
Philip Guston.
Laughter in the Dark, dessins de 1971 & 1975
Galerie Hauser & Wirth, Londres
Du 19 mai au 29 juillet 2017
Untitled.
1975, encre sur papier, 61 x 48,3 cm.
DOSSIER
VENISE
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