 
          
            20
          
        
        
          
            ACTUALITÉS
          
        
        
          ROLF JULIUS,
        
        
          MUSIQUE POUR L’ESPACE PRÉSENT
        
        
          glace d’un lac gelé.À l’image de ce
        
        
          
            Concert
          
        
        
          
            for a Frozen Lake
          
        
        
          (1982) – «J’espère que
        
        
          le lac en lui-même deviendra musique»
        
        
          écrit-il dans sa note d’intention – l’œuvre
        
        
          méditative de l’Allemand vise moins à
        
        
          court-circuiter les sens qu’à impliquer le
        
        
          spectateur.Se détachant par sa discrétion
        
        
          de l’art total deWagner et de ses déve-
        
        
          loppements synesthésiques, ses expéri-
        
        
          mentations souscrivent malgré elles aux
        
        
          correspondances entre son, art visuel
        
        
          et nature qu’exhortaient Kandinsky
        
        
          et Schoenberg dans une version plus
        
        
          lyrique. Minimalistes et à peine percep-
        
        
          tibles au premier abord, ses œuvres
        
        
          sonores offrent une spatialisation ténue,
        
        
          obligent à tendre l’oreille, à se pencher,
        
        
          voire à s’asseoir à même le sol, à l’image
        
        
          de l’artiste lui-même s’activant dans ses
        
        
          performances.Entend-on mieux lorsque
        
        
          
            «Je crée un espacemusical avecmes images.
          
        
        
          
            Avec ma musique, je crée un espace imagé. »
          
        
        
          
            Rolf Julius (1939-2011) a sa carrière durant
          
        
        
          
            généré une esthétique de l’attention, que
          
        
        
          
            prolonge au milieu des vignes l’espace que
          
        
        
          
            dessinent ses sons lors d’une exposition au
          
        
        
          
            château Chasse-Spleen.
          
        
        
          Photographe à Brême dans les années
        
        
          1970, il y constate la prégnance de la
        
        
          musique en prenant conscience qu’un
        
        
          fond sonore dans son studio permet
        
        
          de détendre ses sujets, avant de se
        
        
          rendre à Berlin où naît toute une scène
        
        
          autour du
        
        
          
            sound art
          
        
        
          . Inclus en 1980
        
        
          dans l’importante exposition
        
        
          
            Für Augen
          
        
        
          
            und Ohren
          
        
        
          à l’Akademie der Kunste
        
        
          aux côtés de Laurie Anderson, Nam
        
        
          June Paik ou encore John Cage – qu’il
        
        
          retrouvera à New York en 1983 avec
        
        
          Merce Cunningham –,Julius n’est pas plus
        
        
          devenu un compositeur qu’avant, mais il
        
        
          trouve dans la mauvaise qualité d’enre-
        
        
          gistrements d’un piano matière à cor-
        
        
          respondre avec les craquèlements de la
        
        
          l’on est à genoux? Paul Klee – qui hésita
        
        
          longtemps à faire du violon son métier –
        
        
          l’affirmait déjà : « Un rythme, cela se
        
        
          voit, cela s’entend, cela se sent dans les
        
        
          muscles».Chez Julius,l’attention s’ouvre
        
        
          surtout à de nouveaux champs et engage
        
        
          à partager physiquement la vulnérabilité
        
        
          des sons.Accueillant un ensemble de ses
        
        
          œuvres pour leur exposition inaugurale,
        
        
          Céline et Jean-Pierre Foubet, les pro-
        
        
          priétaires du château Chasse-Spleen –
        
        
          veillant de fait sur les cépages les plus
        
        
          prisés du Médoc – savent ce qu’«atten-
        
        
          tion» veut dire.Au même titre que les
        
        
          paysages sonores enregistrés depuis les
        
        
          années 1980 par le bioacousticien amé-
        
        
          ricain Bernie Krause pour alerter sur la
        
        
          disparation de la diversité audible, c’est
        
        
          ce que demandent et créent les pièces
        
        
          de Rolf Julius.
        
        
          Tom Laurent
        
        
          
            
              Rolf Julius
            
          
        
        
          
            . Centre d’art château Chasse-Spleen,
          
        
        
          
            Moulis-en-Médoc. Du 18 mai au 15 octobre 2017
          
        
        
          
            
              Rolf Julius. Music in a corner
            
          
        
        
          
            . Galerie Thomas Bernard –
          
        
        
          
            Corthex Athletico, Paris. Du 2 septembre au 7 octobre 2017
          
        
        
          Rolf Julius.
        
        
          Large stonegarden (monochrome)
        
        
          . 2010, pierres, 3 haut-parleurs, lecteur MP3, câbles, audio, environ 165 x 165 cm. Courtesy estate rolf julius et galerie Thomas Bernard - Cortex Athletico, Paris.